Larves blanches du sol : cétoine, hanneton, lucane et compagnie

Publié le par Marie-Claire RAVE


On a l'habitude d'opposer larves de cétoine et de hanneton, et bien souvent quand on découvre des larves en jardinant, rien ne correspond aux deux descriptions que l'on trouve partout. C'est qu'il existe beaucoup d'autres coléoptères qui passent plus de temps à l'état de larve dans le sol qu'à l'état adulte. Ces larves  blanches, arquées et molles avec des pattes, sont dites mélolonthoïdes, en référence au hanneton, Melolontha melolontha. Sans compter les voisines, sans pattes. En voici quelques-unes.

Cétoine dorée attterrissant sur une rose

La cétoine dorée
C'est ce coléoptère à l'éclatant vert métalllique, Cetonia aurata, que l'on surprend souvent en train de fourrager dans le coeur des fleurs, notamment des roses. La cétoine dorée est plus rarement brune ou noire, voire noir bleuté.
Elle a une cousine, la cétoine grise Oxythyrea funesta qui n'a rien de funeste si ce n'est sa couleur grise ou noire avec des petits coups de pinceau blancs. On l'appelle aussi drap mortuaire. La larve et l'adulte sont un  peu plus petits.
. Larve de 2 ou 3 mm à l'éclosion, 40 mm à la veille de sa transformation en nymphe
petite tête ressemblant à une pastille plaquée à l'avant, nettement plus petite que le diamètre du corps,
pattes minuscules incapables de la tracter,
rampe donc sur le dos grâce à des poils raides, notamment quand on l'attrape,
arrière nettement renflé ("petite tête, gros cul")
blanc tendant vers le gris.
. Nourriture :
La larve se nourrit de bois mort très décomposé et participe au cycle d'évolution naturelle de la forêt. Dans les jardins, elle trouve l'équivalent dans le compost.
L'adulte fréquente le coeur des fleurs où il mange tout, étamines pour leur pollen (ce qui constitue une castration des fleurs), pétales, quelquefois fleurs entières. Ses fleurs préféres : les roses, les fruitiers, les aubépines, les sureaux, la reine-des-prés, les Apiacées (carottes sauvages, berce...). Il consomme aussi des petits fruits, de sureau ou de troène par exemple.
. Rôle dans la nature : insecte recycleur.
. Rôle au jardin : recycleur comme dans la nature, aide à la décomposition du compost.
. A faire ou ne pas faire : larve à conserver précieusement, l'adulte n'est pas suffisamment ravageur pour justifier son élimination. La castration des fleurs n'est néfaste que pour la production de graines destinée à la multiplication des plantes, elle peut être compensée par le travail des autres pollinisateurs, on a donc tout intérêt à favoriser une grande biodiversité au jardin.

Larve de cétoine dorée, cétoine dorée couleur bronze, cétoine griseLarve de cétoine dorée, cétoine dorée couleur bronze, cétoine griseLarve de cétoine dorée, cétoine dorée couleur bronze, cétoine grise

Larve de cétoine dorée, cétoine dorée couleur bronze, cétoine grise

Hanneton accroché sur une manche

Le hanneton
Gros coléoptère vrombissant en début d'été, se cognant un peu partout y compris sur les humains et s'y accrochant quelquefois de ses pattes griffues. Ses antennes en éventail complètent le tableau.
. Larve de 2 ou 3 mm à l'éclosion, 35 mm à la veille de sa transformation en nymphe,
tête pointue qui termine le corps en triangle (plus grosse que celle de la cétoine, si on dispose des deux espèces pour les comparer),
pattes plus longues que le diamètre du corps,
se déplace grâce à ses pattes, mais reste immobile lorsqu'on l'attrape, 
arrière guère plus renflé que le corps, se termine en ovale, pas tout-à-fait arrondi,
blanc tendant vers le crème.
. Nourriture
La larve se nourrit des racines des plantes, provoquant leur mort. Il est considéré comme extêmement néfaste à l'agriculture et aux jardins (potager, pelouses notamment).
L'adulte consomme des feuilles d'arbustes et d'arbres, notamment les fruitiers.
. Rôle dans la nature : nourrit de nombreux prédateurs, soit à l'état de larves soit à l'état adulte, soit les deux, par exemple les hérissons et les couleuvres, les taupes, les grenouilles et les crapauds, les oiseaux (les Corvidés, les alouettes), les chauves-souris.
. Rôle au jardin : plutôt ravageur !
. A faire ou ne pas faire : on peut tondre court la pelouse pour limiter la ponte et empêcher le développement des oeufs, biner régulièrement le sol du  potager et des massifs pour contrarier les oeufs et les larves lors de leur montée en surface, favoriser leurs prédateurs en accueillant une grande biodiversité au jardin, et ceci tout au long de l'année. Lorsqu'on découvre des larves, les exporter en forêt (voir le paragraphe "Le lucane").
Le hanneton est en forte diminution du fait de l'emploi des pesticides, aussi, sans nier les dégâts qu'il provoque, relativisons leur réputation maléfique.
Je remarque que la seule invasion de hannetons dans notre jardin s'est produite sur le "passage pompier", des alvéoles de plastique qui renforcent le sol de la pelouse et permettent de rouler dessus ; ainsi aucun prédateur ne pouvait circuler dans le sol et les larves se sont développées en toute tranquillité. En revanche une noria de merles venaient arracher les touffes d'herbe jaune, qui n'avaient plus de racines, et extrayaient systématiquement une larve en moins de cinq secondes.

Larve de hanneton, adulte sur une manche de pull-over, merle avalant une larveLarve de hanneton, adulte sur une manche de pull-over, merle avalant une larveLarve de hanneton, adulte sur une manche de pull-over, merle avalant une larve

Larve de hanneton, adulte sur une manche de pull-over, merle avalant une larve

Lucane mâle sur un chêne

Le lucane
Gros coléoptère, le plus grand d'Europe, Lucanus cervus doit son nom aux énormes mandibules du mâle qui évoquent les bois d'un cerf. Elles sont tellement grandes qu'il ne peut pas les utiliser pour manger, il se contente de lécher la sève des arbres et le jus des fruits grâce à un autre organe. La femelle a des mandibules plus petites mais plus acérées, elle peut sévèrement pincer par réflexe lorsqu'on la saisit à la main. A éviter, pas pour vous, pour elle !
Larve de 5 à 6 mm à l'éclosion à 80 voire 100 mm à la veille de sa transformation en nymphe,
très difficile à différencier de la larve de hanneton quand elle n'a pas encore atteint 35-40 mm. 
. Nourriture
Comme la cétoine, la larve se nourrit de bois mort.
L'adulte mange très peu, un peu de sève et de jus des fruits, il vit principalement sur ses réserves.
. Rôle dans la nature : insecte recycleur, entre en jeu dans le cycle naturel de la forêt, est au menu de rapaces nocturnes et de Corvidés, qui laissent sur place la tête et les mandibules.
. Rôle au jardin : fréquente les jardins en lisière de forêt, recycleur comme dans la nature, participe à la décomposition du compost.
. A faire ou ne pas faire : tant qu'elles dépassent 40 mm, on est sûr que les larves ne sont pas celles du hanneton, les conserver sur place ou les mettre au compost. Lorsqu'elles n'ont pas dépassé 40 mm, donc tant qu'elles peuvent être confondues avec les larves de hanneton, les déporter en forêt au cas où... La ponte du lucane ayant lieu près d'un arbre mort ou d'une souche, future nourriture, les larves qui s'y trouvent sont souvent les siennes.
Pour lutter contre la diminution de sa population, conserver des arbres morts, ou simplement le tronc pour des raisons de sécurité même couché, des souches.

Larve de lucane, lucane femelle dans le panier à fraises, lucane mâle sous le chêneLarve de lucane, lucane femelle dans le panier à fraises, lucane mâle sous le chêneLarve de lucane, lucane femelle dans le panier à fraises, lucane mâle sous le chêne

Larve de lucane, lucane femelle dans le panier à fraises, lucane mâle sous le chêne

Otiorhynchus ovatus

L'otiorhynque
Nombreuses sont les espèces d'otiorhynques, cousins des charançons.
Dans les jardins on trouve l'otiorhynque des azalées et rhododendrons Otiorhyncus singularis, qui s'attaque aussi aux clématites, au cerisier d'ornement, au buddleia, aux rosiers, à l'if, aux hortensias,
celui qui s'attaque notamment aux épicéas et aux fraisiers, O. ovatus,
celui de la vigne O. sulcatus, qui aime aussi divers arbustes d'ornement, le camélia, la bruyère, la pivoine, le muguet,
celui de l'olivier O. cribricollis, qui s'attaque aussi aux agrumes et divers fruitiers de la famille des Rosacées,
celui qui apprécie divers arbres et arbustes, O. rugosostriatus, comme le lilas et le troène, mais aussi les fraisiers.
. Larve de 1 mm à l'éclosion, 7 à 14 mm selon l'espèce à la veille de sa transformation en nymphe,
elle n'a pas de pattes, elle n'est pas cylindrique, elle évoque plutôt un croissant.
. Nourriture
La larve apprécie selon l'espèce les plantes citées ci-dessus. Elle s'attaque d'abord au chevelu racinaire, puis, en grandissant, aux racines de plus en plus grosses, aux rhizomes et aux bulbes. Dans les lieux confinés, jardinières, potées, serres, les racines des plantes ne peuvent pas s'étendre pour trouver de nouvelles sources de nourriture. Elles finissent par dépérir.
L'adulte se nourrit de feuilles, qu'il grignote en attaquant le bord et en laissant derrière lui une dentelle irrégulière. Contrairement au poinçonnement de la mégachile, l'abeille coupeuse de feuilles, les grignotages sont de taille diverse, pas très ronds et accolés les uns aux autres. Les dégâts ne sont qu'esthétiques. 
. Rôle dans la nature : nourrissent de nombreux animaux.
. Rôle au jardin : nourrissent les auxiliaires, oiseaux, hérissons, musaraignes.
. A faire ou ne pas faire : lors du rempotage bien examiner les racines, secouer la terre autant que possible. L'idéal serait aussi de le faire à l'achat, on suppose que le commerçant n'apprécierait pas. On peut au moins éviter l'achat dans un magasin où les feuilles sont grignotées sur les bords. Pour limiter les attaques des feuilles par les adultes, une solution qui demande de la patience consiste à les cueillir de nuit équipé d'une lampe frontale et les exporter où on peut.
Préventivement, biner régulièrement autour des plantes pour aérer la terre, et en cas d'attaque, creuser pour éliminer les larves. Dans les potées et jadinières, n'utiliser que du terreau neuf.
Favoriser les prédateurs, oiseaux, hérissons, musaraignes.
Eviter les bandes engluées ou la glu, qui ne sont pas sélectives. En dernier recours, il existe des nématodes spécifiques qui parasitent les adultes.

Larve d'otiorhynque et grignotage par les adultes sur un rosierLarve d'otiorhynque et grignotage par les adultes sur un rosier

Larve d'otiorhynque et grignotage par les adultes sur un rosier

Informations complémentaires
Pour éviter les pesticides, voir Vous avez dit nuisible ?
Pour réguler les insectes devenus ravageurs grâce à la biodiversité, voir Abris et nichoirs, Inviter la faune au jardin, Une haie pour les oiseaux, Une mare pour la faune, etc.
Et le livre Merveilleuse faune du jardin

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