Le cycle de vie du papillon

Publié par Marie-Claire RAVE

Le cycle de vie du papillon

Pour inviter les papillons au jardin, il faut connaître leur cycle de vie.
J'illustre cette synthèse par des images de machaon (Papilio machaon), parce que c'est l'un des plus photogéniques d'Europe, et aussi parce qu'il est facile à observer pendant ses différentes phases dans un jardin sur des plantes sauvages ou cultivées.

Le point commun à tous les papillons est de passer par quatre stades dans sa vie : 
1. l'œuf,
2. la chenille, qui connaît elle-même quatre ou cinq mues,
3. la chrysalide,
4. l'imago (le papillon adulte).
Il est évident qu'il vaut mieux préserver chacun des stades pour espérer multiplier le nombre d'espèces et d'individus dans son jardin.  

L'œuf

Une idée de la taille de l'oeuf

La papillonne est programmée pour pondre sur une plante bien précise, ou quelques plantes, ou une famille de plantes, liée à l'espèce. On l'appelle la plante-hôte. Des organes sensoriels spécialisés et très sensibles permettent au papillon de la repérer sans erreur.
A priori rien à voir avec la mémoire, quiqu'on ignore encore s'il y a une petite part de mémorisation !
Pour le machaon, il s'agit du fenouil, de l'aneth, de la carotte, sauvage ou cultivée, du persil et autres apiacées (ancien nom : ombellifères), avec leurs fleurs en ombelles caractéristiques.
De nombreuses documentations listent les couples plantes/papillons.
Sauf pour de rares espèces invasives, telles que la pyrale du buis, le papillon est lié à une plante locale. C'est pourquoi un jardin planté uniquement de fleurs exotiques n'a guère de chances d'attirer durablement les papillons, qui resteront des visiteurs de passage.
Quelques plantes hôtes très faciles à cultiver ou à préserver presque partout en France : l'aneth, l'ortie, la violette, le prunellier... et bien sûr les discrètes fleurs des champs.
 

Les plantes-hôtes des plus grands papillons de nos régions
 
papillon plante-hôte
machaon (Papilio machaon) apiacées, surtout fenouil
et carotte sauvage
flambé (Iphiclides podalirius) rosacées ligneuses, surtout prunellier
et arbres fruitiers
tabac d'Espagne (Argynnis paphia) violettes
paon du jour (Aglais io) orties
citron (Gonepteryx rhamni) nerprun, bourdaine
gazé (Aporia crataegi) rosacées ligneuses, notamment prunellier
et aubépine
grand sylvain (Limenitis populi) trembles et peupliers
belle-dame (Aglais urticae) chardons, quelquefois orties et mauves 
grande tortue (Nymphalis polychloros) ormes et autres arbres à feuilles caduques
vulcain (Vanessa atalanta) orties, parfois houblon
demi-deuil (Melanargia galathea) Festuca rubra et autres poacées (= graminées)
...continuez votre liste personnelle  

 

La chenille

chenille machaon

Elle naît donc à table, sur sa plante nourricière. A l'éclosion, elle commence par manger l'enveloppe de son œuf, puis elle devient une véritable machine à dévorer. Et c'est là que le jardinier peste, voire enrage. Le machaon pond des œufs isolés et sa chenille n'est pas envahissante, vous y laisserez peut-être un peu de persil. Mais certaines espèces, qui pondent des masses d'œufs, par dizaines ou centaines, peuvent faire des ravages. A chacune sa solution, et il faut peut-être apprendre à partager...
Sauf dans le cas des invasives, la plante s'en remet. Vous avez peut-être vu des haies complètement encapuchonnées de filaments gris, puis complètement défoliées, comme par exemple des haies de fusain (le bonnet d'évêque, Euonymus europaeus) dévorées par l'yponomeute : quelques semaines plus tard les feuilles repoussent et la fructification suit tranquillement.
En quelques jours, la chenille a tellement grossi que sa peau devient trop étroite, elle doit muer pour la première fois, tout en restant chenille. Elle mue chez la plupart des espèces cinq fois.
Chez le machaon, la petite chenille sortant de l'œuf est noire avec une tache blanche au milieu, aspect qui peut la faire passer pour une fiente d'oiseau. Stratégie pour tromper les prédateurs ?
Puis lors de la mue la tache s'estompe et elle prend ses belles couleurs.

Jeune chenille, et deux générations sur la même planteJeune chenille, et deux générations sur la même plante

Jeune chenille, et deux générations sur la même plante

La chrysalide

Ensuite la chenille se nymphose, c'est-à-dire se transforme en chrysalide. Pour cela, elle se fixe sur une plante ou un autre support selon une stratégie propre à chaque espèce. Celle du machaon se fixe verticalement par un coussinet de soie en bas et une ceinture de soie en haut, et, après un ou deux jours d'immobilité, la nymphose commence, la vieille peau se fend et fait apparaître et une carapace molle qui se durcit peu à peu. A ce stade, les techniques de camouflage sont primordiales, la chrysalide du machaon par exemple peut être verte ou brune selon l'environnement. 
La chrysalide reste immobile et ne mange pas, ouf ! un peu de répit pour le jardin. Il se produit à l'intérieur des transformations majeures étonnantes, les organes s'élaborent progressivement en une dizaine de jours.

L'imago

machaon séchage ailes naissance
Emergence, les ailes encore fripées

Lorsque le papillon est entièrement formé dans sa chrysalide, la "peau" se fend et c'est l'émergence de l'adulte. Il en sort encore tout fripé, puis sèche, gonfle et durcit ses ailes.
Les ailes atteignent leurs dimensions définitives au bout de quelques heures quand l'hémolymphe (leur sang) est injectée dans les nervures. Le  papillon n'est donc pas constitué de matière sèche, ce qui est étonnant puisqu'il vole même avec des ailes déchirées, mais en fait elles sont irriguées. C'est pourquoi il faut aussi prévoir à boire dans votre jardin !
A ce stade, sauf rares exceptions, le papillon recommence à manger, mais il n'est  plus lié à sa plante-hôte, ni même aux espèces locales. Il se nourrit du nectar des fleurs locales, exotiques ou horticoles, à condition qu'elles aient un cœur accessible. Attention, les horticulteurs ont "amélioré" les variétés de fleurs par exemple pour obtenir des fleurs doubles ; cette duplicature consiste à transformer les étamines en pétales, qui n'ont aucun intérêt pour les papillons.
Il aime particulièrement les fleurs tubulées, du fait que sa longue trompe est capable d'aller chercher le nectar au fond des tubes. Il n'a guère de concurrents sur ces fleurs.
Au jardin, le jeu consiste à offrir de la nourriture le plus longtemps possible en variant les périodes de floraison, par exemple en Bourgogne :
février-mars : pissenlits, bruyères, arbustes à fleurs précoces
avril : arbustes à fleurs, fruitiers
mai : campanules diverses, hortensia grimpant
juin : lavande
juillet : verveines de Buenos-Aires
août : symphorine, eupatoire chanvrine
septembre : asters précoces, sedums spectabile
octobre-novembre : asters tardifs
A affiner bien sûr en fonction de votre région. La friche fleurie des jardineries est aussi une bonne solution, à condition de trouver le mélange spécifique oiseaux et papillons le mieux adapté possible à votre climat.
Je ne cite pas le buddléia, l'arbre à papillons, magique ! mais plante invasive dans les sols qui lui conviennent.

Outre sa nourriture, l'imago consacre son existence à sa reproduction, et le cycle recommence.

Sources, informations complémentaires
Les  papillons d'Europe, Delachaux et Niestlé, ma "bible" déjà ancienne, 1994, dans mon article Les papillons du moment
Le document 200 plantes pour les abeilles, du Ministère de l'Agriculture, liste utilisable aussi pour les papillons, avec les périodes de floraison
Voir aussi l'article De la chenille au papillon, le mystère de la chrysalide

Publié dans Papillons, Plantations

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