Les dessous chics des papillons
Les papillons de nuit ont le plus souvent des couleurs ternes pour se fondre dans le paysage crépusculaire ou nocturne, alors que les papillons de jour misent sur l'attraction par leurs couleurs vives et leurs motifs complexes. Des rebelles refusent cette norme : les écailles. Les plus communes sont l'écaille martre (Arctia caja) plutôt nocturne et l'écaille chinée (Euplagia quadripunctaria) aussi bien diurne que nocturne.
Au repos, les écailles ne montrent que leurs ailes antérieures aux couleurs monacales, noir et blanc, qui recouvrent sagement les ailes postérieures et le corps, lui donnant la forme d'une aile delta. Juste un brin de fantaisie dans le motif, tigré chez l'écaille chinée, à larges taches ovales très variables chez l'écaille villageoise. Pour dormir dans la végétation ou dans les feuilles sèches au sol, le camouflage est parfait.
Mais quand elles s'envolent elles découvrent des dessous flamboyants, jaunes, orange, carmin et bleu métallisé.
Elles arborent aussi des antennes simples ou larges et plumeuses caractéristiques des espèces nocturnes, alors que les espèces diurnes ont des antennes en forme de filaments terminés par un bulbe ou une massue. Leur corps est plutôt replet et d'aspect doux comme une peluche.
Comment les inviter au jardin ?
Les écailles les plus communes aiment les broussailles, les bords de chemins, les allées forestières, les lisières, les parcs et jardins. L'écaille martre préfère les milieux ouverts et les endroits humides, comme les berges boisées des rivières. L'écaille chinée habite plutôt les friches sèches. Ce biotope est facile à imiter avec une haie libre d'arbustes caducs et quelques arbres.
Les plantes-hôtes, celles où sont pondus les oeufs et qui nourriront la chenille, sont forcément des plantes locales car au fil de millions d'années elles ont coévolué avec ces papillons : les Rubus (ronces, framboisier...), le noisetier, le chèvrefeuille, l'ortie, le lamier, l'épilobe, le séneçon, la petite pimprenelle, le genêt, et aussi de grands arbres comme le hêtre , le saule ou le chêne.
L'écaille adulte se nourrit du nectar de très nombreuses plantes, chardons divers de terrains secs ou humides, sauge des prés, centaurée, origan... L'écaille chinée raffole de l'eupatoire chanvrine, où on l'observe presque systématiquement.
Connaître leur cycle de vie
pour les protéger
Les écailles sont univoltines, c'est-à-dire qu'elles ne pondent qu'une fois par an. En juillet-août, la femelle dépose ses oeufs, selon l'espèce, sur ou sous les feuilles de la plante-hôte choisie. lls sont ronds et vert clair, groupés par paquets bien rangés.
Les petites chenilles naissent en août-septembre et se développent jusqu'en automne. Puis elles entrent en hibernation et n'évoluent plus pendant tout l'hiver. Elles recommencent à se nourrir et reprennent leur développement au printemps pour arriver au dernier stade larvaire en mai-juin.
Puis elles tissent au sol un cocon à l'intérieur duquel elles se nymphosent, autrement dit opèrent dans un nouvel épiderme rigide, la chrysalide, une transformation progressive en papillon.
L'adulte émerge en juillet-août et un nouveau cycle commence.
Certaines espèces sont migratrices, comme l'écaille chinée.
Pour préserver les chenilles en hibernation, ne pas trop nettoyer le jardin, laisser autant que possible des feuilles au sol. Pour préserver les adultes qui passent la journée dans la végétation basse, ne pas tondre court les pelouses. Une exception sur le pourtour très fréquenté de la maison : maintenir l'herbe très rase pour ne pas favoriser l'installation des tiques (voir la chronique Une tique sur un oiseau).
Les espèces nocturnes ou crépusculaires sont extrêmement sensibles à la pollution lumineuse, voir quelques solutions pour limiter l'éclairage dans les chroniques Contre la pollution lumineuse, ma sélection d'éclairages pour le jardin et Du nouveau contre la pollution lumineuse ; tolérer de bonne humeur les extinctions de lampadaires par les municipalités.
L'arrachage des haies où les écailles ont l'habitude de se réfugier la journée les prive de leur habitat et comme tous les papillons elles sont très sensibles aux pesticides.
Elles sont en outre décimées par la circulation routière.
Si tant d'exceptions reviennent dans leurs descriptions, qu'est-ce qui définit finalement un papillon de jour et un papillon de nuit ? |
D'autres écailles (la sous-famille des Arctiinae)
34 espèces sont visibles en France. Il en existe de toutes les couleurs, blanches, noires, roses, saumon... Certaines sont présentes sur presque toute l'Europe, d'autres n'occupent que de très petites régions. Quelques exemples régionaux et leurs plantes-hôtes, repérez votre région :
. l'écaille alpine, dans les Alpes et dans les Vosges, jaune d'or et noire, dont la chenille se nourrit de lichens,
. le sphinx du pissenlit et la syntomie tyrolienne dans les Alpes, presque noirs, sur le pissenlit, le plantain et d'autres petites plantes,
. l'écaille du myosotis (ou la gentille) sur le pourtour méditerranéen et en Corse, sur les Boraginacées (héliotrope, vipérine...),
. l'écaille tesselée (ou écaille pudique), noire et rose, dans la moitié sud de la France, sauf le littoral atlantique, sur les graminées,
. l'écaille saumon (ou écaille chaste), couleur saumon, dans le sud-est, sur le gaillet et l'aspérule,
. l'ocnogyne ibérique, couleur chocolat, dans les Pyrérées Orientales, qui pond sur diverses plantes basses,
. l'écaille maculée ou écaille tachetée, rose et grise, dans le quart sud-est de la France, sur l'achillée, le gaillet et diverses plantes basses,
. l'écaille brune (ou la matrone), dans le nord-est jusqu'en Isère, chocolat noir, vermillon, jaune d'or, noire et blanche, sur les arbres et arbustes, les plantes basses,
. l'écaille fasciée sur un large pourtour méditerranéen, crème, noire, vermillon et jaune d'or, sur diverses plantes basses,
. l'écaille des grisons (ou écaille jaune) dans les Alpes du Nord, crème, noire et jaune, sur diverses plantes basses,
. l'écaille rose sur le pourtour méditerranéen, rose-noire-blanche, sur diverses plantes basses...
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