Cardère et bardane

Publié le par Marie-Claire RAVE

bardane chardonneret

 

Cardère et bardane sont des plantes un peu oubliées, mais d'une grande importance écologique, par leurs fleurs, leurs feuilles, leurs tiges et leurs graines. C'est la base idéale d'un jardin-friche pour les chardonnerets.

cardère

La cardère
Ce n'est pas un chardon. La cardère sauvage (Dipsacus fullonum ou Dipsacus sylvestris) est facile à trouver au bord des fossés, des routes et des voies ferrées, sur les chantiers, les décombres, les terrains vagues, les usines désaffectées. C'est une espèce rudérale, c'est-à-dire une espèce qui vit dans les milieux modifiés par la présence humaine. C'est une espèce pionnière, parmi les premières à coloniser les milieux perturbés comme les routes en construction, les terrassements. Elle n'est pas protégée, on peut donc facilement cueillir quelques graines. Comme elle est très commune, répartie partout en France et peu recherchée, les graines ne sont pas faciles à trouver dans le commerce, elles sont en vente en ligne chez des grainetiers très spécialisés en plantes sauvages ou médicinales, chez Ducrettet par exemple. Si on n'en trouve pas au moment de semer, il ne reste plus qu'à attendre l'automne prochain pour en récolter.
Si on s'en procure dans le commerce, il ne faut pas la confondre avec la cardère à foulon (Dipsacus sativus), une plante qui a longtemps été cultivée pour carder la laine, d'où une ribambelle de noms populaires tels que peigne-bourrique, chardon de loup ou hérisson ou simplement cardère à lainer. On ne la trouve plus chez les grainetiers que comme curiosité, et on ne la voit plus que dans les jardins botaniques. Elle n'existe plus dans la nature, d'ailleurs son origine est mal connue. Dans les jardins elle est très rare, pourtant ses très longues têtes cylindriques ont un intérêt graphique. Même le nom latin n'est pas suffisant pour distinguer la cardère sauvage et la cardère cultivée, car Dipsacus fullonum est employé pour les deux espèces. Seuls signes distinctifs faciles et incontestables : la cardère cultivée a les piquants recourbés vers le bas et la couronne de petites fleurs est horizontale.
Il existe deux autres espèces, la très rare cardère poilue, Dipsacus pilosus, difficile à cultiver, et la cardère féroce, Dipsacus ferox, qui ne se trouve que dans le maquis corse.

Le "cabaret des oiseaux"
C'est un des noms populaires de la cardère sauvage car, dans la moitié inférieure de la plante, ses feuilles opposées sont soudées entre elles et forment une coupe étanche autour de la feuille, qui conserve l'eau de pluie quelques heures. Elles peuvent recueillir jusqu'à un litre d'eau.
C'est une bisannuelle, il faut attendre deux ans pour obtenir les fleurs et cet effet d'abreuvoir.
Et aussi le restaurant
Les 500 ou 600 graines produites par chaque tête (le capitule) sont très caloriques, elles contiennent jusqu'à 22 % de lipides. Les chardonnerets apprécient particulièrement la cardère car ils sont armés pour consommer les graines et n'ont pas de concurrent sur l'affaire : ils peuvent plonger le bec au fond des tubes sans se piquer les yeux. Les mâles, qui ont un bec un peu plus long et puissant, se concentrent sur les cardères, alors que les femelles se rencontrent plus souvent sur la bardane. NB - Les deux sexes sont presque identiques, seule la tache rouge de la face diffère légèrement, elle passe juste derrière l'oeil chez le mâle, pas chez la femelle.
D'autres granivores comme le tarin des aulnes et la linotte mélodieuse consomment les graines les plus accessibles ou tombées au sol.

cardère toile d'araignée

Papillons et autres insectes
Le sphinx-bourdon, ou sphinx de la scabieuse, ou encore sphinx bombyliforme, Hemaris tityus, a plusieurs plantes-hôtes, principalement la knautie et la succise, mais sa chenille se nourrit aussi des feuilles de cardère sauvage. Devenu adulte, il partage certains biotopes avec la cardère, friches, bords de chemins et de fossés, et butine de préférence les fleurs bleues, violettes et rouges, ce qui ajoute un motif d'attirance. 
La noctuelle de la cardère, Heliothis viriplaca, un discret papillon de nuit gris à motifs ocres et noirs, se développe dans l'axe creux des têtes de cardères.
La deuxième année de son développement, la cardère produit de longues tiges creuses, de près de 2 mètres, voire 2,50 mètres en terrain riche et frais, qui servent de site d'hivernage à de nombreux insectes.
Les fleurs sont très riches en nectar et nourrissent les abeilles et les bourdons, les syrphes et les papillons, particulièrement le paon-du-jour, le tabac d'Espagne, le Robert-le-Diable, les vanesses (le vulcain et la belle-dame).

bardane

La bardane
Cette bisannuelle fait partie des légumes oubliés, elle a été abandonnée sans doute parce qu'elle tient beaucoup de place, avec ses grandes feuilles laineuses de 50 à 70 centimètres, pour une production relativement limitée. En outre, ses capitules armés de nombreux crochets de soie recourbés s'accrochent aux vêtements et au pelage des animaux ; il est difficile de s'en débarrasser, et elles vous démangent tant que vous n'avez pas extrait le dernier petit crochet. Ces capitules ont permis sa diffusion dans le monde entier par les animaux et par l'homme, comme le Velcro qu'elle a inspiré, sauf que les animaux n'y sont pour rien. 
On consommait ses jeunes pousses et jeunes feuilles cuites, et les racines au goût d'artichaut récoltées le premier automne. Actuellement, elle est surtout utilisée en phytothérapie.
Il existe deux espèces de bardane traditionnellement cultivées, la grande,  Arctium lappa, au pétiole plein et la petite,  Arctium minus, au pétiole creux, et aussi leurs hybrides car elles se "croisent" facilement.

bardane chardonneret

Pour les oiseaux
Les granivores, notamment les chardonnerets, adorent les graines de bardane, plus accessibles que celles de la cardère.
Attention aux très petits passereaux qui peuvent être piégés dans les micro-crochets des fleurs sèches de bardane. On voit quelquefois, sur le site d'Ornithomedia par exemple, des photos d'oiseaux accrochés aux fleurs et incapables de s'en détacher. On peut vraisemblablement penser qu'il s'agit d'oiseaux qui n'ont rien d'autre à manger, assez affamés pour prendre des risques en se perchant sur des plantes qui ne leur conviennent pas. Il est donc primordial de favoriser la biodiversité et d'avoir dans son jardin toutes sortes de graines toute l'année, y compris pour les petits becs.

belle-dame vanesse des chardons vanesse du chardon vanessa cardui

Papillons et autres insectes
La bardane fait partie de la centaine de plantes-hôtes du papillon belle-dame ou vanesse du chardon, Vanessa cardui, qui se nourrit donc de ses feuilles. Une petite mouche, la mouche de la bardane, Tephritis bardanae, est inféodée aux deux bardanes, où elle pond dans les capitules (en plus d'une troisième, la bardane laineuse, Arctium tomentosum). De nombreux autres papillons et insectes sont attirés par les fleurs.

Vulcain, tabac d'Espagne, paon-du-jour, Robert-le-DiableVulcain, tabac d'Espagne, paon-du-jour, Robert-le-Diable
Vulcain, tabac d'Espagne, paon-du-jour, Robert-le-DiableVulcain, tabac d'Espagne, paon-du-jour, Robert-le-Diable

Vulcain, tabac d'Espagne, paon-du-jour, Robert-le-Diable

Culture de la cardère et de la bardane
D'abord il faut récolter les graines à l'automne, ou se les procurer chez les grainetiers au printemps. On sème très clair en avril dans un emplacement en plein soleil. Puis on éclaircit quand apparaissent les rosettes des cardères ou les jeunes feuilles des bardanes, pour ne laisser qu'un pied respectivement tous les 10 et 20 centimètres. Au printemps suivant, on éclaircit encore plus sévèrement tous les 40 et 80 centimètres, et les plantes se développent en hauteur, pour fleurir en juillet et mûrir en septembre-octobre. Laisser les graines sur le pied tout l'hiver pour les oiseaux et certains insectes.

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Publié dans Oiseaux, Papillons, Plantations

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C
Bonjour et merci pour ce bel article. J'ai découvert les bienfaits de la cardère (Dipsacus fullonum) pour soigner un Lyme (maladie des tiques) et je remercie sans cesse la nature de nous venir en aide si généreusement. Cette plante extrêmement piquante et même blessante est d'une grande utilité pour les animaux comme pour les humains. Belle année à venir et continuez à nous enchanter!
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M
Merci. La phytothérapie n’est pas trop mon domaine, c’est pourquoi je suis très prudente sur le sujet. Je note votre information sur la maladie de Lyme. Bonne année à vous, fidèle lectrice !
C
Bonjour, je me suis procuré des graines de cardère chez La Hulotte qui parait deux fois par an. C’est gratuit j’y suis abonnée depuis début des années quatre-vingt. Je viens de quitter Grenoble pour Vidauban et je trouve qu’il n’y a pas beaucoup d’oiseaux dans le Var. Je vais les attirer. Merci pour vos bons conseils et bonne année
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M
Vive La Hulotte ! Elle a sauvé la cardère cultivée en découvrant et en diffusant le dernier sachet de graines, oublié et découvert par hasard (voir les n° 61 et 62). Bonne année à vous.