Des vivaces mellifères pour petits jardins
Imaginons un petit jardin où l'on manque de place pour planter des arbres ou arbustes un peu volumineux, ou une haie, ou des grimpantes, et pour préparer des semis d'annuelles en serre. C'est le cas de nombreux jardins de ville. Tout serait perdu pour les abeilles ? Non, restent les vivaces, sobres, frugales et pérennes.
Les plantes mellifères : pour quelles abeilles ?
Les abeilles domestiques. L'objectif peut être la production de miel, ou tout simplement, dans un petit jardin, la préservation des abeilles qui souffrent de l'artificialisation des sols et des pesticides agricoles.
Les abeilles noires, l'espèce souche qui est à la base de la création des abeilles domestiques, après sélection et hybridations successives, peuvent être élevées par les apiculteurs, ou bien restées sauvages, ou bien échappées des ruches et retournées à l'état sauvage. Leurs besoins sont très proches des abeilles domestiques, la seule différence est la précocité de leur réveil du fait de leur rusticité.
Les abeilles solitaires, sauvages. Les plantes mellifères bénéficient également aux abeilles sauvages même si elles ne produisent pas de miel. Elles se nourrissent de nectar et de pollen et en nourrissent leurs larves.
Mais aussi les autres pollinisateurs. En travaillant sur les abeilles, on favorise également de nombreuses espèces d'insectes qui butinent les fleurs et pollinisent les plantes en se promenant de l'une à l'autre : les lépidoptères (les papillons), les coléoptères (comme les cétoines) et les diptères (les syrphes par exemple).
Une base de plantes locales
Les abeilles domestiques sont généralistes, tandis que les abeilles sauvages peuvent être inféodées totalement ou partiellement à une plante, dont elles se nourrissent et qu'elles pollinisent en contrepartie. Ce ne peut être qu'une espèce végétale sauvage ou très peu modifiée, puisqu'une longue coévolution a abouti à cette coopération plante/insecte. La collète du lierre se nourrit principalement du pollen du lierre par exemple. La mégachile du rosier est partiellement inféodée aux églantiers et rosiers, non pas pour sa nourriture, mais pour les feuilles et les pétales avec lesquels elle construit son nid.
Pissenlit, trèfle, séneçon et autres "mauvaises herbes" conviennent aussi bien aux abeilles domestiques qu'aux abeilles solitaires.
Des créations horticoles en complément
L'horticulture spécialisée dans les jardins d'ornement ne cesse de créer de nouvelles variétés. L'objectif est logiquement esthétique. Dans certains cas cette recherche est défavorable aux abeilles, lorsqu'elle aboutit à des fleurs doubles qui n'ont plus de coeur accessible, pourtant fort appréciées dans les jardins d'ornement. En revanche, quand il s'agit d'obtenir une floraison plus longue, autre atout décoratif, les abeilles bénéficient d'une nourriture plus régulière sur la saison.
D'autant plus que les abeilles sauvages à l'état adulte ont une durée de vie courte, de quelques semaines. Certaines sont printanières, comme l'anthophore plumeuse, d'autres estivales, d'autres, plus rares, automnales. Elles n'ont pas le temps d'attendre les floraisons. Le jardinier les favorisera en recherchant prioritairement les plantes vivaces locales, et, s'il y a interruption des floraisons, en complétant par des variétés horticoles ou des annuelles.
De longues floraisons
Le champion toutes catégories de la floraison durable est le géranium vivace, capable de fleurir durant huit mois, d'avril à novembre. Les gauras, les népétas, les sedum, les scabieuses, les renouées, notamment la renouée de l'Himalaya, la campanule des murailles, les suivent de près.
Au deux bouts du calendrier, vivaces précoces et vivaces tardives
Même si les floraisons sont de courte durée, ce petit défaut peut être compensé par un grand nombre de variétés fleurissant successivement. Au printemps par exemple, la floraison des arbres fruitiers est éphémère, mais les floraisons se succèdent sur les diverses espèces. Il en est de même pour les vivaces . Au contraire, rares sont les vivaces qui fleurissent en hiver. Pour compenser la rareté, le jardinier peut augmenter le nombre de plants.
. Les hellébores, ou roses de Noël, sont pratiquement les seules vivaces à fleurir en hiver, de décembre à mars. Elles sont prêtes à accueillir les abeilles noires qui se réveillent dès que la température atteint 12°, et les abeilles domestiques courantes, dorées, à partir de 13-14°. Très souvent les plantes fleurissant en hiver, alors que les pollinisateurs sont rares et que leurs visites sont sporadiques, ont des fleurs qui persistent longtemps. Un même plant d'hellébore peut conserver ses fleurs de 30 à 75 jours, en produisant un nectar concentré en saccharose et fructose. En outre le pollen est libéré à très basse température.
Côté local : notre hellébore indigène pousse en sol frais et calcaire sauf en Bretagne et dans le nord de la France, c'est l'hellébore fétide (Helleborus foetidus), à fleurs entièrement vertes. Plus disséminée, sa cousine l'hellebore verte (Helleborus viridis) comporte deux sous-espèces, l'une présente de la Belgique au nord de l'Espagne, notamment dans les Pyrénées, l'autre des Alpes-Maritimes au Nord de l'Italie.
Côté horticole : une espèce a été introduite d'Europe centrale, la classique rose de Noël blanc rosé (Helleborus niger), une autre du Caucase, l'hellébore orientale (Helleborus orientalis), plus haute, jusqu'à 80 cm, blanche à rouge. D'innombrables hybridations entre ces espèces sauvages ont produit de nombreux coloris du vert au rouge en passant par le rose et le blanc pur, et même un pourpre presque noir.
. Les sedum et les asters produisent de longues floraisons d'automne. Les deux plantes sont très faciles à cultiver, peu exigeantes, déclinées dans de multiples variétés.
Parmi les 400 espèces de sedum, le plus mellifère est sans doute l'orpin d'automne (Sedum spectabile). Il est rustique, facile à vivre, peu exigeant en eau, il tolère tous les sols et le plein soleil.
Parmi la centaine de cultivars proposés par les horticulteurs, il existe une curiosité récemment disponible, l'aster grimpant (Ampelaster carolinarius). Originaire des zones marécageuses du sud-est des Etats-Unis, il est rustique, ses racines supportent -15°, et ses fleurs -5°. Il commence à fleurir en novembre et finit en janvier, même quelquefois en février.
Pour choisir, les bonnes sources
Il existe plusieurs listes de plantes mellifères dont l'objectif varie selon les auteurs.
Une dizaine de contributeurs, dont le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, FranceAgriMer, l'Inra (dans leur dénomination de 2017) ont publié une liste de plantes simples et plutôt locales : Liste de plantes attractives pour les abeilles, Plantes nectarifères et pollinifères à semer et à planter.
Elle s'adresse aux professionnels, très intéressés par la période de floraison pour la faire coïncider avec leurs productions et favoriser la pollinisation. Toutefois elle est particulièrement utile pour les jardins. Les vivaces, bisannuelles et annuelles apparaissent à partir de la page 14.
La Société nationale d'horticulture de France met en avant dans sa liste la production horticole. Les critères de choix spécifiques à la profession de paysagiste et aux jardiniers exigeants et esthètes sont notamment le feuillage, persistant ou caduc, et les couleurs. Il est possible de favoriser les abeilles tout en créant un jardin blanc par exemple, ou argenté, ou un camaïeu très travaillé comme la gamme des verts, ou des associations picturales, par exemple parme-pourpre-saumon ou blanc-bleu-vert anis.
Les vivaces apparaissent à partir de la page 7.
Le site Vigie Nature publie des études thématiques pointues sur les relations plantes/pollinisateurs.
Les revues de jardinage publient des sélections plus concises et plus pratiques, à picorer en kiosque ou sur internet.