Le blaireau

Publié le par Marie-Claire RAVE

Photo Daniel Bouvot.

Animal impossible à confondre, nocturne, discret, inoffensif, le blaireau européen (Meles meles) peut fréquenter votre jardin sans que vous le sachiez. Il est facile de vivre avec lui ou de l'éloigner, sauf si votre jardin est envahi de longue date, et surtout si la maison a été construite sur son territoire !

Connaître son territoire

Schéma LPO

Vous avez plus de chances de vivre à proximité de blaireaux si vous habitez près d'un milieu fermé bien protégé, tel qu'une lisière de bois ou de forêt, d'un bosquet ou dans un paysage bocager avec des haies denses. C'est un animal "solitaire qui vit en groupe", selon le Muséum national d'histoire naturelle, en clans de 5 ou 6 individus plus les jeunes. Il passe la moitié de son temps dans deux types de terriers : un terrier principal qui peut être un énorme réseau de chambres et de galeries pouvant couvrir jusqu'à 2000 mètres carrés sur plusieurs étages descendant sur une profondeur de 4 ou 5 mètres, et un terrier secondaire occupé temporairement en fonction des saisons, comme nos résidences secondaires.
Le terrain idéal pour lui est en pente, pour évacuer facilement la terre, avec un sol meuble et drainant non inondable.
Creuser de tels terriers demande une énergie importante, c'est pourquoi ils peuvent être occupés de génération en génération pendant des dizaines, voire des centaines d'années. Cela explique que, dans les régions où les populations sont nombreuses, le blaireau est indétrônable, outre qu'il a un caractère tenace et déterminé. Il lui arrive de partager son terrier avec le renard et le lapin.

Photo Daniel Bouvot

Identifier ses traces 
- Les traces les plus évidentes sont les ouvertures des terriers en terre battue, appelées les "gueules". Des cônes de terre fine, résultat du creusement, indiquent les gueules, souvent dans les fourrés. Des débris de litière, régulièrement changée, sont souvent laissés devant. De petits sentiers, où la végétation est tassée par des passages répétés, relient les terriers entre eux, ainsi que les terriers aux sites riches en nourriture. Ce sont les "coulées". 
- Si son terrier se trouve hors de votre terrain, et qu'il est simplement de passage au jardin, le blaireau peut laisser des empreintes typiques des plantigrades, comme un tout petit ours, avec des traces de longues griffes parallèles et la trace du talon, en plus du coussinet central et des doigts que l'on connaît bien chez les chiens et chats. Il fait également ses griffes sur les troncs d'arbre, dressé de toute sa hauteur sur ses pattes arrière, à 1,40 mètre du sol au maximum.
- Contrairement au renard qui laisse des crottes bien en vue et si possible sur toutes sortes de monticules (taupinières par exemple), le blaireau creuse des "pots" pour déposer ses crottes. C'est aussi une forme de marquage qui délimite son territoire.
- Et surtout des labours tous azimuts de la pelouse et du potager, grâce à ses fortes pattes fouisseuses et sa truffe, destinés à extraire bulbes, larves et vers de terre. Il aime particulièrement retourner le paillis du potager, qui pour le jardinier a beaucoup de qualités mais le petit défaut d'abriter des campagnols.

Au potager, chamboule-tout mais utile
Les services rendus dans la nature sont nombreux : par son travail de terrassement, il aère les sols et remonte à la surface les graines enfouies, par ses déjections il enrichit le sol en nutriments, notamment en azote et dissémine les graines des fruits qu'il a consommés, autant de qualités moyennement appréciées au potager, où il est à la fois utile et destructeur. Son alimentation en fait un auxiliaire du jardinier : il régule les populations d'insectes, de limaces, d'escargots et de rongeurs. Il consomme aussi des amphibiens et des reptiles, des fruits frais et secs, des champignons. Il ne s'attaque pas aux oiseaux ni oisillons. Sauf ravages importants, il suffit de cibler les zones où les dégâts seraient irréparables et de les protéger au bon moment (semis, bulbes, légumes-racines quand ses petites proies sont épuisées...), sachant qu'il est plutôt carnivore au printemps et en été et plutôt frugivore en automne.

Partager son jardin avec le blaireau ou l'éloigner
Les dégâts dans les pelouses sont temporaires, quand il aura épuisé le stock de larves il s'en ira. Il faudra simplement remettre en place les mottes retournées. Il va sans dire qu'il est impossible d'avoir une pelouse classique parfaite, mieux vaut revenir à l'état de pré. Dans le jardin dit d'ornement, implanté sur le territoire d'un clan de blaireaux, un paysage est peut-être à inventer : entourer les terriers d'arbustes locaux à toute épreuve, semer une friche fleurie, créer un chemin avec quelques rochers...
Au potager, c'est plus compliqué, notamment pour les semis et les jeunes plants. On peut combiner de multiples astuces, en changeant régulièrement de méthode, pour l'éloigner.
- Avoir un chien.
- Contrarier ses pattes en déposant un grillage au sol avant de faire vos semis.
- Installer des lampes clignotantes déclenchées par un détecteur de mouvement.
- Utiliser des répulsifs tout autour du potager sur des ficelles ou du tissu à hauteur de truffe, renouvelés toutes les semaines (essences de citronnelle, de lavande...) ou des répulsifs spécifiques à base d'oléorésine de piment que l'on trouve dans le commerce, ou un mélange maison savon noir et piment.
- Disséminer des odeurs humaines : cheveux, urine.
On peut aussi l'attirer ailleurs : en laissant quelques fruits du verger au sol, en lui éparpillant des "offrandes" loin des cultures, soit en-dehors des clôtures soit à l'intérieur dans un endroit qui ne risque rien.

Au-delà du jardin : les associations travaillent à des solutions
Le blaireau est chassable (arrêté du 26 juin 1987), sauf dans Le Bas-Rhin. Il a été retiré de la liste des animaux qualifiés alors de "nuisibles" (actuellement ESOD, "espèces susceptibles d'occasionner des dégâts") en 1991 (arrêté mis à jour le 3 juillet 2019). Cela signifie que le piégeage est interdit, mais le déterrage, appelé dans la réglementation vènerie sous terre, autorisé. L'un des motifs avancés pour sa destruction est le fait qu'il peut être le vecteur de la rage et de la tuberculose bovine.
L'ASPAS se bat depuis des années pour interdire le déterrage, une pratique barbare qui entraîne un stress et une souffrance inacceptables. Elle demande aussi de classer le blaireau comme animal protégé, ce qui est déjà le cas dans plusieurs pays d'Europe : Allemagne, Belgique, Italie, Grèce, Royaume-Uni, Pays-Bas, Portugal. 
La LPO va plus loin en mettant au point avec le GEPMA (Groupe d'étude et de protection des mammifères d'Alsace) et le CNRS de Strasbourg des méthodes permettant aux agriculteurs, viticulteurs, entreprises de travaux publics, d'éviter la destruction des blaireaux. En effet, au sein de son pôle MFS (Médiation faune sauvage), des médiateurs spécialisés sur le blaireau accompagnent ces professionnels pour conduire les blaireaux à abandonner les terriers dangereux, présentant des risques d'effondrement au passage de véhicules. L'opération est particulièrement complexe, elle peut aller jusqu'à la construction de terriers artificiels, notamment dans les digues et les voies ferrées surélevées.

S'inspirer au jardin des techniques mises au point en direction des professionnels
Trois fiches sont mises à la disposition des professionnels, "Terriers de blaireaux en milieu viticole", "Terriers de blaireaux dans les ouvrages de protection des crues de l'Ill" et "Neutraliser un terrier de blaireau". Les méthodes nécessitent des moyens importants mais peuvent être une source d'inspiration et de réflexion pour les particuliers. Elles montrent que des solutions autres que la destruction sont possibles. Dans les cas particulièrement dangereux, il est indispensable de se faire aider par des experts.

Sources, informations complémentaires
Les fiches du pôle Médiation faune sauvage de la LPO, au format pdf, à télécharger
Merci à Daniel Bouvot pour ses photos. Vous pouvez regarder ses vidéos sur Youtube

 

 

A retrouver dans le livre Merveilleuse faune du jardin

Retour à Vous avez dit nuisible ?

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Bonjour, 2 réflexions me viennent en vous lisant : la première, nos amis alsaciens sont bien souvent en avance pour la protection des animaux, peut-être grâce à la proximité de l’Allemagne. La deuxième, un documentaire Arte récemment, sur un vaste terrain protégé et laissé sans intervention humaine sur une longue période, les biologistes se sont rendus compte que les blaireaux étaient redevenus diurnes. Merci pour votre article très intéressant
Répondre
M
Merci pour ce commentaire et l'information sur le caractère diurne. Je vais creuser le sujet.