Le fenouil, un exemple de lutte biologique
Attraction - répulsion
Ce sont les deux armes secrètes des végétaux pour réguler les insectes qui les mettent en danger. De nombreuses plantes savent attirer les insectes pour différentes raisons, se faire butiner, les utiliser contre leurs ennemis. D'autres, ou les mêmes d'ailleurs, ont des capacités répulsives, elles font fuir leurs ennemis grâce à divers stratagèmes, leur odeur par exemple.
Insectes mangeurs de plantes - insectes mangeurs d'insectes
Vues par les lunettes du jardinier, il existe deux catégories d'insectes : ceux qui mangent les plantes, les insectes phytophages, et ceux qui se nourrissent d'autres insectes, les insectes entomophages. Ce sont eux les "auxiliaires du jardinier". En employant la lutte chimique contre les phytophages, on introduit un déséquilibre. On détruit non seulement l'espèce visée, mais aussi ses prédateurs. Une fois les prédateurs partis, au mieux, ou au pire détruits, la ponte suivante a le champ libre, et il faut traiter encore plus. Après quelques années ou décennies, c'est toute la chaîne alimentaire qui est détruite, insectes prédateurs éradiqués, oiseaux de plus en plus rares , hérissons et musaraignes empoisonnés.
Au contraire, en jouant finement avec ces quatre notions, attraction/répulsion et phytophage/entomophage, on peut limiter considérablement les invasions de ravageurs. Car le but n'est pas d'éradiquer, mais de maintenir les populations dans des limites supportables par les végétaux. Idéalement, il faudrait inventer une plante repoussant les insectes mangeurs de plantes et attirant les insectes mangeurs d'insectes pour la placer au milieu ou autour des cultures. Or cette plante existe déjà : c'est le fenouil !
Les insectes auxiliaires attirés par le fenouil
Je n'ai jamais vu autant d'espèces différentes d'insectes au mètre carré que dans une planche de fenouil.
La chrysope verte (Chysopa perla), le "lion des pucerons", pond notamment sur le fenouil. Les oeufs sont suspendus au bout d'un fil, car les larves qui en sortiront sont tellement voraces qu'elles se dévoreraient entre elles si les oeufs étaient pondus côte à côte. A l'état de larve comme à l'état adulte, la chrysope débarrasse les plantes de nombreux insectes et acariens qui envahissent les potagers et les vergers : pucerons, cochenilles, acariens divers, aleurodes (les mouches blanches), psylles, thrips... Une espèce voisine, la "demoiselle aux yeux d'or" (Chrysoperla carnea), se nourrit d'insectes uniquement quand elle est à l'état de larve.
Le syrphe ceinturé (Episyrphus balteatus), un insecte qui imite la guêpe, intéresse le jardinier car c'est un butineur et surtout car sa larve se nourrit essentiellement de pucerons, elle tue même les pucerons sans les manger. Le syrphe est attiré par les apiacées : persil, carottes, cerfeuil, céleri et fenouil. Il est commercialisé dans de nombreux pays d'Europe pour la lutte biologique en serre ou en plein champ.
La "guêpe maçonne" est un terme qui regroupe plusieurs espèces de guêpes solitaires qui fondent leur nid en mélangeant leur salive à de la boue, ce qui leur donne un aspect de poterie. D'où son autre nom de "gûepe potière". Elle nourrit ses larves en mettant en conserve des chenilles qu'elle paralyse pour les garder vivantes et les consommer selon les besoins. Chaque espèce a sa spécialité : la plupart consomme des chenilles de papillons, certaines des acariens. Chacune a aussi son architecture : nid en forme de pot, de tuyau d'orgue, de navette. On les trouve souvent sur les murs ou les plafonds, les structures des serres, les encadrements de fenêtres.
La coccinelle, notre "bête à bon Dieu" (Adalia bipunctata, rouge à deux points, et Coccinella septempunctata, rouge à sept points, mais aussi la jaune à vingt-deux points et la jaune à damier), se gave de pucerons et de certaines cochenilles. C'est la plus connue des espèces commercialisées pour la lutte biologique. Malheureusement, le commerce a introduit par facilité la coccinelle asiatique qui dévore aussi les larves de coccinelles européennes, mais selon certains entomologistes, la cohabitation est possible.
Et si les insectes auxiliaires devenaient envahissants ?
Aucun risque, dans un jardin riche à la faune diversifiée, les insectes mangeurs d'insectes ont leurs propres prédateurs. Les planches de fenouil sont assidûment fréquentées par les lézards verts, qui peuvent rester à l'affût des journées entières, et sont même capables de grimper sur ses fortes tiges.
Une astuce : pour favoriser les papillons machaons, qui ont pour plantes-hôtes les apiacées en général, mieux vaut planter de l'aneth, moins compact que le fenouil. Ses tiges plus hautes et plus fines ne permettent pas aux lézards d'atteindre les oeufs pondus tout en haut en plein soleil, ni les jeunes chenilles.
Une fois de plus, c'est le mélange à bon escient d'une grande diversité d'espèces qui régule tout. Voici une série d'exemples qui prouvent qu'un jardin cloisonné par fonctions se prive d'une régulation naturelle des insectes ravageurs.
Plante | Effet répulsif (ou *attractif) | Remarques |
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Aromatiques | ||
Aneth | Puceron noir des fèves et des tomates | |
Basilic | Aleurodes dans les tomates | |
Menthe | Fourmis et pucerons | |
Persil | Divers insectes dans les tomates | |
Thym | Piéride du chou | |
Potagères | ||
Carotte | Teigne du poireau | Alliance carottes/poireaux |
Poireau | Mouche de la carotte | Alliance carottes/poireaux |
Tomate | Altises ennemies des brassicacées (choux, radis, navets, roquette...), criocères dans les asperges | |
Ornementales | ||
Capucine | Aleurodes | dans les serres |
Lavande | Pucerons des rosiers | |
Oeillet d'Inde | Aleurodes dans les tomates Divers insectes dans les rosiers |
|
Souci | Divers parasites des rosiers et tomates | |
Médicinales | ||
Absinthe | Piéride du chou | |
Rue officinale | Pucerons | |
Sauge officinale | Piéride du chou | |
Tanaisie | Fourmis, divers papillons et coléoptères phytophages | |
Multi-fonctions | ||
Chanvre | Piéride du chou, doryphores dans les aubergines, les tomates et les pommes de terre | |
Ricin | * attractif et toxique pour les doryphores dans les pommes de terre | ! ! ! Extrêmement toxique (humains et animaux domestiques) |
Informations complémentaires
Voir la chronique : La lutte biologique version douce
Et le livre Merveilleuse faune du jardin