Bien connaître son sol grâce aux plantes bio-indicatrices
Pour connaître votre sol, le commerce vous propose des kits d'analyse sous diverses formes. Plus passionnante et moins coûteuse, l'observation des plantes qui poussent spontanément sur votre terrain vous apporte une foule d'informations bien plus complètes et des solutions pour l'améliorer. Les pissenlits, les pâquerettes, les bruyères, le plantain, les liserons, et plus encore, leur association, nous fournissent des indicateurs et des signaux d'alarme sur l'état du sol.
Guide de diagnostic des sols, c'est précisément le sous-titre de l'Encyclopédie des plantes bio-indicatrices de Gérard Ducerf, agrobiologiste et botaniste, qui fait autorité en la matière. Il vous propose une méthodologie simple mais précise et fiable.
Comprendre la levée de dormance
Les graines d'une plante ne germent pas immédiatement, car la plupart du temps leur germination serait vouée à l'échec du fait de conditions inadaptées (froid, sécheresse, manque d'éléments nutritifs...). Lorsque le pollen a fécondé l'ovule, il se forme une graine et la germination se bloque en attendant de meilleures conditions : la graine entre en dormance. Il se constitue alors dans le sol un énorme stock de graines, de toutes sortes de graines. Certaines germeront plus tard, après quelques mois, années ou décennies, d'autres jamais. Lorsque les conditions environnementales conviennent à la graine, elle se réveille : c'est la levée de dormance.
Donc, si un pissenlit germe quelque part, ce n'est pas parce qu'il y a des graines (il y en a partout), c'est parce qu'il y a levée de dormance.
Au fil de l'évolution du vivant, chaque espèce a acquis ses propres critères - ou combinaison de critères - de levée de dormance. L'un des critères essentiels est la nature du sol, pH, compactage ou aération, matière organique, voire hydrocarbures, teneur en eau, etc. A contrario, en connaissant bien les exigences de la plante, on peut en déduire les qualités du sol.
Les trois étapes du diagnostic des sols
La méthodologie consiste à inventorier les espèces présentes, à appliquer un coefficient en fonction de la densité de chacune, et enfin seulement à faire la synthèse des principaux indicateurs qu'elles nous fournissent.
1. Inventaire des espèces sauvages présentes
Sur un terrain relativement homogène, un unique inventaire suffit. Dans un terrain où la végétation spontanée varie fortement d'un endroit à l'autre, on doit le découper en plusieurs parcelles et réaliser autant d'inventaires. Pour être pertinente l'observation doit se faire tout au long de l'année ou, à défaut, au moment où la végétation est bien développée. Pour que les graminées ne cachent pas les autres espèces, le bon moment se situe après une tonte ou une fauche. Il n'est pas rare de collecter une vingtaine d'espèces.
2. Evaluation de la densité de chaque espèce
Ensuite on attribue un coefficient de recouvrement, qui correspond à la proportion de la surface du sol tenu à l'ombre par chacune des espèces :
- pour 100 % de recouvrement de la surface du sol : coefficient 5
- pour 75 % de recouvrement de la surface du sol : coefficient 4
- pour 50 % de recouvrement de la surface du sol : coefficient 3
- pour 25 % de recouvrement de la surface du sol : coefficient 2
- pour 5 % de recouvrement et de nombreux pieds : coefficient 1
- pour quelques pieds épars : coefficient 0
Une petite zone dense d'une espèce n'est pas significative pour la parcelle. Gérard Ducerf cite dans une conférence l'exemple d'une zone d'ortie isolée dans un champ, qui indique probablement qu'un bout de ferraille a été enterré à cet endroit précis.
L'attribution des points doit être objective : les ennemis jurés des jardiniers comme le rumex ou le liseron sont souvent surévalués, alors que les espèces perçues comme "bonnes", par exemple le trèfle, sont sous-évaluées.
3. Croisement avec les fiches de l'encyclopédie et synthèse de l'analyse
Il s'agit là de relever les occurrences des indicateurs et de les multiplier par le coefficient, par exemple si l'indicateur "matière organique animale" revient 3 fois pour des espèces dont le coefficient de recouvrement est 2, on attribue 6 points.
Bouleau blanc (Betula alba) Bruyères (Calluna vulgaris et Erica cinerea) |
espèces calcifuges, pH < 5 |
Erable champêtre (Acer campestre) Prunellier (Prunus spinosa) Sauge des prés (Salvia pratensis) |
espèces basicoles, pH 5 à 7 |
Cupidone (Catananche caerulea) Cirse féroce (Cirsium ferox) Moutarde des champs (Sinapis arvensis) |
espèces calcicoles, pH > 7 |
Bugle rampante (Ajuga reptans) Reine des prés (Filipendula ulmaria) Salicaire (Lythrum salicaria) |
prairie naturellement humide |
Pissenlit (Taraxacum officinale) Rumex violon (Rumex pulcher) |
sol compacté, manque d'oxygène |
Mouron blanc (Stellaria media) Grande oseille (Rumex acetosa) |
bonne activité bactérienne, sol équilibré (bon rapport carbone/azote) |
Liseron des champs (Convolvulus arvensis) Séneçon commun (Senecio vulgaris) Véronique de Perse (Veronica persica) |
présence de nitrates |
Laiteron des champs (Sonchus arvensis) Renoncule sarde (Ranunculus sardous) |
présence de nitrites |
Pomme épineuse (Datura stramonium) Epurge (Euphorbia lathyris) Renouée du Japon (Reynoutria japonica) |
pollutions diverses |
Ambroisie (Ambrosia artemisiaefolia) | stérilisation du sol par les intrants chimiques, les labours trop profonds et les travaux routiers |
Chiendent (Elytrigia repens) | sol piétiné, retourné profondément, jardins (mal) cultivés de longue date |
Les solutions
Non seulement la plante révèle la nature du sol, mais elle le soigne : "la solution est dans le problème", dit Gérard Ducerf. Il cite l'exemple de l'achillée millefeuille (Achillea millefolium). Chaque espèce se spécialise pour conquérir de nouveaux territoires ou des territoires laissés libres par les autres plantes ; l'achillée s'est spécialisée dans les sols lessivés, pauvres en argile et en matières organiques, ceci en compensant le manque d'éléments nutritifs par le développement d'un système racinaire très étendu. En développant ces racines, elle maintient le sol, elle lui permet de se recharger en éléments nutritifs et, lorsque le sol est réparé, elle finit par disparaître. Une solution consiste donc à laisser travailler la plante à votre place, ce qui prend un peu de temps...
Une autre solution, évidente, consiste à soustraire le sol aux agressions révélées par la plante, agressions bien souvent issues des méthodes productivistes de travail de la terre (selon les cas, arrêt des intrants chimiques, remplacement du bêchage par une aération du sol à la grelinette, paillage ou engrais verts...).
Quelquefois, il est possible de rétablir les équilibres par des amendements en quantité raisonnable.
Enfin, "faire avec" au lieu de lutter, c'est-à-dire adapter le choix de ses cultures au sol plutôt que d'adapter le sol à des cultures qui ne lui conviennent pas.
En un mot, retrouver le bon sens qui a été perdu.
Sources, informations complémentaires
Retrouvez les autres plantes indicatrices dans L'Encyclopédie des plantes bio-indicatrices, guide de diagnostic des sols chez Promonature
Voir aussi mes articles sur le liseron et le chiendent et Avant d'acheter un terrain, regardez ce qui pousse !
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