Balade d'automne : le biomimétisme au Festival des jardins de Chaumont-sur-Loire

Publié le par Marie-Claire RAVE


On peut déambuler dans les 24 jardins éphémères du festival le nez au vent, sans se documenter ni lire les panneaux explicatifs, en se laissant porter par leur esthétique baroque. On peut aussi admirer comment les paysagistes ont réussi à s'en sortir avec le thème 2021 : le biomimétisme. Le vivant a beaucoup à nous apprendre pour innover, en matière de résistance au vent, de recyclage des déchets à l'infini, de bioluminescence, de dépollution, d'hydrophobie, de thermorégulation... Si certaines fonctions sont faciles à illustrer, d'autres, particulièrement intangibles, demandent un tour de force. Quelques exemples simples ou complexes.

Les termites ont inventé la climatisation naturelle. Même par une température extérieure de 40°C, la termitière, qui peut atteindre 9 mètres de hauteur, reste fraîche. La ventilation est assurée par un système de conduits et de poches d'air creusées profondément dans le sol. L'air y pénètre par le bas, se rafraîchit et remonte dans l'édifice par une cheminée principale et d'autres conduits annexes, avant d'être expulsé vers l'extérieur.
Sur ce modèle, l'architecte zimbabwéen Mick Pierce a créé une architecture durable et très économe en énergie. L'air frais est capté la nuit au bas des bâtiments et circule vers le haut à travers un réseau de colonnes en direction de l'extérieur. Ce jardin est organisé autour de structures naturelles imitant de petites et grandes termitières grâce à des procédés de fabrication traditionnels.

Ce jardin s'inspire des formes fractales, c'est-à-dire reproductibles à l'infini à différentes échelles, que l'on trouve dans la nature : flocons de neige, brocolis, éponges de mer, réseaux neuronaux et sanguins, fougères... Ces formes mathématiques et néanmoins naturelles se retrouvent sur tous les continents dans les architectures traditionnelles, et aussi dans le domaine artistique, en musique et en peinture.
Alors que la géométrie euclidienne, fondée sur les notions de droite et de plan, de longueurs et d'aires, ne permet pas de décrire les formes naturelles complexes, le mathématicien Benoît Mandelbrot développe au XXe siècle un modèle mathématique permettant de créer des formes similaires à celles de la nature.

Plus conceptuel, le Jardin de la fontaine anémone évoque le recyclage infini de la nature. Laissons parler le concepteur, Jean-Philippe Poirée-Ville : "Le Jardin de la fontaine anémone se fond à 98% avec son milieu, nulle existence en dehors. Cette précarité d'une vie qui ne tient qu'à 2% invite à la méditation. Les tentacules végétales, brodées comme un tapis persan, s'enchevêtrent et aspirent le visiteur vers l'eau de la fontaine. Le cheminement fait référence aux jardins de cloître." 
Une anémone de mer géante, structure métallique recouverte d'un matériau poreux, recycle l'eau et les déchets végétaux. Au passage l'eau ainsi enrichie nourrit de petites plantes qui recouvrent progressivement la sculpture au long des six ou sept mois du festival.
On reconnait ici la patte du botaniste Patrick Blanc, créateur des murs végétaux, qui collabore depuis des années avec le concepteur de ce jardin.

Comment évoquer la mycorhize, cette association d'une plante et d'un champignon, qui fait vivre nos sols ?
On a découvert il y a 150 ans la coopération invisible et intangible qui agit sous nos pieds. Les racines des végétaux vivent, communiquent et échangent en symbiose avec les champignons. Le paysagiste a représenté ce phénomène sous la forme d'un réseau géant de racines aériennes bleues en voûtes multiples qui plongent dans le sol. Il souhaite attirer notre attention sur la nécessité d'une intelligence collective et coopérative avec la nature.

... et encore 20 autres jardins à découvrir tranquillement, sans la foule du plein été, jusqu'au 7 novembre.

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