Frelon européen et frelon asiatique
Le frelon asiatique, Vespa velutina nigrithorax, a été introduit accidentellement en France en 2004, en Lot-et-Garonne, probablement avec un lot de céramiques provenant de Chine. Il est présent depuis 2020 sur tout l'hexagone et déborde sur les pays limitrophes. Cette espèce invasive a créé un vent de panique du fait de ses attaques d'abeilles, tandis que notre bon vieux frelon européen, Vespa crabro, qui a de tout temps vécu pacifiquement avec nous, souffre de la confusion avec son cousin chinois.
Les différencier et les repérer
Frelon asiatique = frelon à pattes jaunes Vespa velutina nigrithorax |
Frelon européen |
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Aspect général en vol | Insecte noir avec 2 taches jaunes vol "excité", apte au vol stationnaire |
Grosse guêpe rousse et jaune, fins dessins noirs, vol "tranquille", non stationnaire |
Pattes | Moitié près du corps : noires Moitié aux extrémités : jaunes Laisse traîner ses longues pattes en vol |
Rousses |
Tête | Noire avec la face jaune | Jaune à taches rousses |
Thorax | Noir | Brun rougeâtre |
Abdomen | Brun-noir, un seul segment jaune-orangé | Jaune avec de fins motifs noirs |
Nid |
Au soleil, sous les débords de toits ou le plus souvent dans un arbre, jusqu'à 30 m de hauteur, voire plus, bien visible |
A l'ombre, dans un tronc, une souche d'arbre ou dans un bâtiment (grenier, cheminée...), non visible de l'extérieur |
Impact sur la santé humaine
Selon l'INRAE, "Malgré sa mauvaise réputation, le frelon européen n'est pas spécialement agressif. Le risque de piqûre intervient principalement lorsque le nid est dérangé. La piqûre du frelon européen n'est pas plus dangereuse que celle d'une abeille, son venin est même moins toxique."
Attention lors de la cueillette des fruits, un fruit peut paraître entier ou juste un peu attaqué, et être rempli de frelons européens, ou de guêpes.
Le frelon asiatique est un peu plus agressif, et sa piqûre est plus dangereuse, elle entraîne des gonflements qui risquent d'avoir de graves conséquences. Elle peut, exceptionnellement, être mortelle. Outre la piqûre, un autre mode d'attaque est la projection par le frelon asiatique d'un venin (encore inconnu) dangereux pour l'oeil humain.
Au jardin, dans le cas de proximité à moins de 10 m de la maison, d'un passage, d'une aire de jeu, il est conseillé, quelle que soit l'espèce de frelon, de faire détruire les nids par une entreprise spécialisée, et non par les pompiers dont ce n'est plus la mission.
Lorsqu'on a une nature allergique, on peut demander conseil préventivement à son médecin.
Impact sur les écosystèmes
Le frelon européen est une espèce locale, elle a une fonction dans la nature en consommant de nombreux insectes et leurs larves, ainsi que des araignées. Il régule ainsi ces populations, à tel point que l'espèce est protégée depuis plus de trente ans en Allemagne, où la destruction d'un nid peut coûter une amende totalement dissuasive. Des associations de protection de la nature prennent en charge le déplacement des nids mal placés afin de les mettre à la disposition des apiculteurs pour protéger les ruchers.
Il consomme aussi des fruits et le nectar des fleurs.
Le frelon asiatique au contraire est une espèce envahissante, qui a été importée sans ses prédateurs naturels, rien ne freine donc sa progression.
Impact sur les abeilles
Le frelon asiatique s'est surtout fait connaître pour sa destruction massive des abeilles. Du fait de son aptitude au vol stationnaire, il se poste à l'entrée des ruches et capture les abeilles qui cherchent à entrer. L'impact ne se limite pas aux abeilles prédatées : d'une part les ouvrières qui sont dans la ruche sont stressées et n'osent plus sortir, elles s'agglutinent à l'entrée de la ruche, et ne vont donc plus chercher de la nourriture ; d'autre part les ouvrières qui reviennent adoptent un vol erratique, s'épuisent et se font attraper par les frelons, d'où manque de nourriture, affaiblissement, chute de la ponte des reines et à terme mort de la colonie.
Le frelon européen en revanche peut consommer quelques abeilles, mais ce n'est, de loin, pas l'essentiel de son régime. Il oeuvre même pour les abeilles en s'attaquant à la fausse teigne de cire, ou gallérie (Galleria mellonella), ce papillon dont la larve détruit les rayons de cire. En outre, selon certains, le frelon européen chasserait sur 1500 m autour de son nid, et défendrait son territoire contre les frelons asiatiques.
Les moyens de lutte contre le frelon asiatique
Les pièges
On voit circuler des images de pièges constitués d'une bouteille en plastique et d'un appât (sucre, protéines). L'Université de Tours, qui développe depuis plus de dix ans un projet de lutte contre le frelon asiatique, déconseille vivement ces pièges car ils ne sont pas sélectifs. Eric Darrouzet, spécialiste mondial du frelon asiatique, qui pilote le projet, a expérimenté sur une semaine ce type de piège : sur 1700 insectes capturés, 3 sont des frelons asiatiques. Aucun piège à ce jour n'est à la fois sélectif et efficace.
Les recherches en cours sur les phéromones d'alarme, qui repoussent les frelons, commencent à donner des résultats mais ne sont pas encore commercialisables.
La protection des ruches
Puisque le frelon reste en vol stationnaire devant la ruche pour attraper les abeilles, et surtout que le stress empêche les ouvrières de sortir, l'idée est de repousser le frelon de quelques dizaines de centimètres de l'entrée de la ruche. Le but est plutôt de faire sauter le verrou du stress des abeilles, que de supprimer totalement la prédation par le frelon.
Plusieurs systèmes tiennent le frelon éloigné de l'entrée de la ruche :
- la muselière, une sorte de grillage qui laisse passer les abeilles mais non les frelons (50 % de réussite),
- la mise sous filet des ruchers, en cours d'expérimentation,
- la harpe électrique, des fils électriques verticaux tendus devant l'entrée de la ruche, qui laissent passer les abeilles mais électrocutent les frelons, trop gros pour passer entre les fils.
D'autres expériences ont eu lieu avec des poules, mais sans données fiables : les poules ne tueraient que les frelons en vol stationnaire, donc les frelons asiatiques, mais pas les abeilles ni les frelons européens.
La détection des nids de fondation (ou pré-nids)
A l'automne, la colonie de frelons européens et asiatiques meurt, seules quelques futures reines vont s'accoupler et passer l'hiver dans une cachette. Au printemps, elles construisent seules un nouveau nid pour y élever quelques ouvrières qui prendront ensuite le relais et fonderont une nouvelle colonie. Ce nouveau nid, appelé pré-nid ou nid de fondation est tout petit, de la taille d'une balle de ping-pong. Il est construit à l'abri, sous les toits, dans les serres, dans les dépendances, c'est pourquoi il est assez facile à repérer. Dans ce cas, il est fort probable qu'il y ait dans le voisinage quatre ou cinq autres pré-nids issus de la même colonie de l'année précédente. C'est le moment, en observant la reine, de déterminer s'il s'agit d'un frelon européen ou asiatique (les reines sont plus grosses que les ouvrières mais leurs signes distinctifs sont les mêmes que pour les ouvrières, voir le tableau).
Les habitants de la région de Tours ont de la chance : l'Université vient prélever gratuitement les nids de frelons asiatiques en les conservant vivants pour poursuivre ses recherches.
La destruction des nids sans pesticides
Souvent les frelons abandonnent leur pré-nid et déménagent pour construire un nouveau nid, beaucoup plus gros et mieux placé.
Des recherches sont en cours pour repérer les nids (caméras thermiques, radio-tracking d'un frelon...), actuellement c'est plutôt par hasard qu'on découvre nids à l'automne quand la chute des feuilles les rend plus visibles.
Lorsque vous repérez un nid, vous ne devez pas tenter la destruction vous-même, il faut faire appel à un spécialiste qui sera correctement équipé en matériel et en protection (combinaison, masque, lunettes ...)
Actuellement, les entreprises de désinsectisation, grâce à une perche téléscopique, injectent dans le nid un pesticide. Certes, la méthode est efficace, mais le produit reste dans l'environnement et ses effets collatéraux sont dramatiques. Il peut empoisonner les oiseaux qui mangeront les frelons morts ou encore vivants, il peut tuer d'autres insectes et toute la chaîne de leurs prédateurs. On commence à commercialiser des produits naturels (terre de diatomée ou certaines huiles par exemple) mais ils ont toujours un effet insecticide.
Des techniques fantaisistes sont avancées par certains : au fusil, au paintball pesticide, etc. A fuir.
D'autres sont très coûteuses : le drone par exemple, et encore à condition qu'il puisse percer le nid.
Eric Darrouzet préconise la destruction du nid par la chaleur, qui n'a pas d'impact sur l'environnement. Cette méthode est inspirée par la nature, car les abeilles qui ont affaire à un frelon isolé se ruent dessus par dizaines, pour former une masse compacte, la "boule thermique", qui tue le frelon par hyperthermie (47° C) et étouffement.
Les meilleurs résultats sont obtenus par une chaleur flash sous forme de vapeur pendant 3 secondes. Les recherches se poursuivent pour mettre la méthode à la disposition des professionnels.
Sources, informations complémentaires
Toutes les publications et conférences d'Eric Darrouzet, de l'Université de Tours par exemple sa conférence du 8 octobre 2020, une interview du 23 mai 2021 et son ouvrage Le frelon asiatique, un redoutable prédateur aux Editions du Syndicat national d'apiculture
Il a aussi créé une chaîne Youtube entièrement dédiée à la bestiole : Darrouzet - frelon asiatique
Le site de l'Université de Tours dédié au frelon asiatique
Voir aussi Le frelon oriental
Chroniques à retrouver dans le livre Merveilleuse faune du jardin