Le sureau noir
En attendant le réveil des politiques sur une réelle protection de la biodiversité, les jardiniers jouent un rôle important dans ce domaine : "les jardins représentent un fort potentiel de préservation de la biodiversité en milieu urbain, et cela pour deux raisons majeures. Premièrement, en France, ces espaces couvrent plus de 2 % de la superficie totale du territoire national, soit quatre fois plus que la superficie de toutes les réserves naturelles réunies […]. Deuxièmement, les jardins privés constituent d’importants réservoirs potentiels de biodiversité." (voir Sources)
Et le grand sureau ou sureau noir (Sambucus nigra) est l'arbre idéal pour la faune des petits jardins, où l'on n'a pas de place pour de grands arbres. Dans les grands jardins, il peut former la strate intermédiaire du bosquet ou de la haie à oiseaux, capable de vivre à l'ombre des plus grands. Les espèces locales étant plus favorables à la faune que les espèces exotiques, le sureau a toute sa place dans nos jardins car il est présent un peu partout en Europe, sauf en montagne.
Néanmoins, il serait triste de se priver des hybrides ou sélections horticoles. Le sureau doré et lacinié, même plus petit, plus fragile, moins productif, éclaire magnifiquement les lisières de bois, surtout planté en groupe, et fournit les mêmes fleurs et fruits que l'increvable sureau local.
Pour les oiseaux
Le sureau est une véritable aubaine pour les oiseaux, en septembre, pour faire le plein d'antioxydants avant la migration. Comme chez les humains, les antioxydants neutralisent les radicaux libres néfastes pour l'organisme. Les oiseaux, à l'approche du grand voyage, renforcent ainsi leur système immunitaire et se protègent contre le stress oxydatif qui augmente fortement pendant la migration.
Des scientifiques américains ont montré que certaines espèces, notamment la fauvette à tête noire, ont développé la capacité à choisir les fruits qu'elles consomment en fin d'été et en automne en fonction de leur couleur et de leur réflectance, qui correspondent à leur richesse en antioxydants. D'autres avaient déjà constaté que les grives mauvis préfèrent les baies à forte réflectance et les merles d'Amériques les pulpes sombres. En plantant des arbustes à fruits noirs ou bleus, vous ne pouvez pas vous tromper, car les pigments qui contribuent à donner la couleur à ces fruits sont précisément deux antioxydants, les anthocyanes et les caroténoïdes.
Pour renforcer cette attractivité, car les oiseaux lui sont utiles pour disperser ses graines, les fruits du sureau se parent de jolies tiges rouge vif.
Pour les insectes
Le sureau est apprécié de quantités d'insectes. Quelques espèces lui sont spécifiques.
Le puceron noir du sureau (Aphis sambuci) passe tout son cycle dans le sureau. Il est le seul puceron qui tolère la sambunigrine contenue dans les jeunes tiges, les feuilles et les fleurs. Il l'accumule même dans son organisme pour se protéger de certains prédateurs, comme la coccinelle à sept points (Coccinella septempunctata) qui la digère très mal. En revanche la coccinelle à deux points (Adalia bipunctata) y est indifférente.
La phalène du sureau (Ourapteryx sambucaria) est un papillon de nuit dont la chenille dévore les feuilles. On l'appelle aussi "chenille brindille" car elle passe ses journées dressée à 45 degrés sur une branche et immobile, imitant parfaitement à une brindille de sureau. Le joli papillon blanc qui naîtra de la future chrysalide est beaucoup plus visible.
Le thrip du sureau (Aeolothrips melaleucus), minuscule insecte d'un à deux millimètres s'envole en nuages noirs du sureau par temps d'orage.
De nombreux autres insectes polyphages passent une partie de leur temps dans les sureaux, comme le capricorne du chêne (Cerambyx cerdo).
Pour les petits mammifères
Le muscardin se nourrit la nuit des fleurs, perché dans l’arbre. Le hérisson et plusieurs sauvagines se nourrissent des baies tombées.
Accessoirement pour les humains
Et pour finir de vous persuader de planter des sureaux, voici l'usage que vous pouvez faire des fleurs ou des fruits si les oiseaux et autres bestioles vous en laissent. Vous trouverez toutes les recettes sur les sites spécialisés.
En cuisine : avant toute cueillette, ne pas confondre avec le sureau hièble, toxique !
Le sureau hièble ou yèble (Sambucus ebulus), dont les baies sont toxiques, peut ressembler a priori au sureau noir, et pourtant avec un peu d'attention il est facile de les distinguer.
Le sureau noir est un arbuste ligneux, le sureau hièble est une vivace herbacée, dont le feuillage gèle l'hiver tandis que la souche résiste au gel et redémarre au printemps, mais vous n'avez peut-être pas le temps d'attendre l'hiver pour distinguer les deux espèces avant de cueillir fleurs ou fruits. A la belle saison,
- le sureau hièble mesure tout au plus 1,80 m, le sureau noir entre 4 et 8 m,
- le sureau noir fleurit en mai-juin, le sureau hièble en juillet-août,
- le sureau noir tourne ses fruits vers le bas, en larges grappes pendantes, tandis que le sureau hièble dresse ses fleurs puis ses fruits vers le haut.
En cuisine : les fleurs
Les parfumeurs lui trouvent un parfum de lichee, miel et acacia.
Côté sucré
La recette la plus connue est le "Pétillant de fleurs de sureau", le "sahuc" du Sud-Ouest, nom occitan du sureau, et toutes les variantes régionales de limonade de fleurs de sureau.
D'autres idées :
- bonbons aux fleurs de sureau à fabriquer soi-même,
- sirop de fleurs de sureau,
- beignets de fleurs de sureau.
Côté salé
Les boutons de fleurs se conservent au vinaigre.
A chercher sur les sites culinaires. Ne vous inquiétez pas, les fleurs de sureau sont autorisées en industrie agroalimentaire.
En cuisine : les baies, cuites uniquement
Cuites, car les baies crues sont toxiques. La cuisson fait disparaître la toxicité, les baies ont alors un arôme de mûres sauvages boisé.
Quelques exemples :
- gelée ou confiture de baies de sureau,
- gâteau aux pommes et au sureau,
- financiers au citron et au sureau,
- cake au sureau et au gingembre,
- vin de sureau,
- kir au sureau,
- chutney d'oignons au sureau,
- coulis de sureau pour accompagner les gâteaux...
Dans la cuisine familiale, il sert de colorant alimentaire naturel. Les baies aussi sont autorisées en industrie agroalimentaire.
En jardinage
Etant donné que le sureau attire les oiseaux, et que les oiseaux régulent les insectes, il est intéressant d'en planter en bordure du verger.
D'autres utilisations du sureau :
- les feuilles accélèrent la décomposition du compost,
- le purin de feuilles en pulvérisation (1 kg de feuilles macérées quelques jours dans 10 litres d'eau) combat les chenilles de pyrale du buis, lutte contre le mildiou et les pucerons, et il est réputé éloigner les rongeurs et les taupes.
Propriétés médicinales
Pour les adeptes de la phytothérapie, le sureau serait un expectorant, favoriserait la sudation et soulagerait les symptômes du rhume, des pharyngites et laryngites et de la grippe.
Vous trouverez sur les sites spécialisés des recettes de bain de bouche, décoction anti-douleur, infusion respiratoire, vinaigre diurétique, sirop pour la gorge, etc. Attention, naturel ne signifie pas inoffensif, seul un médecin peut vous conseiller.
(photo Aurélie Troccon et Manon Mauquin au Musée des Hospices Civils de Lyon)
* Rob, selon Littré, est un "Terme de pharmacie. Suc de fruit quelconque épaissi en consistance de miel par l'évaporation, avant qu'il ait fermenté".
Sources, informations complémentaires
Le sureau par Tela Botanica
Des fruits riches en antioxydants pour les oiseaux par Ornithomedia, qui cite de nombreuses études (en anglais)
Les pouvoirs du sureau par La Salamandre
Une fiche pédagogique de l'OPIE (Office pour les insectes et leur environnement) Insectes du sureau
Un article plus général dans Articulo, Journal of Urban Research, Les jardins privés : de nouveaux espaces clés pour la gestion de la biodiversité dans les agglomérations ?
Pour participer à la préservation et à la plantation de haies, l’association La Haie donneurs
A retrouver dans le livre Merveilleuse faune du jardin
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