Les cheveux de glace
Depuis des années je guettais l'apparition de ces filaments bien peignés, quelquefois raides, quelquefois bouclés. Enfin, aujourd'hui, des centaines ont "fleuri" au sol dans le bois.
Un phénomène étudié dès 1918
Cette année-là, l'astronome-météorologue-géophysicien Alfred Wegener a réussi à reproduire en laboratoire la formation des cheveux de glace sur du bois mort. Ce n'était qu'un aspect plutôt anecdotique de l'étude des glaces et de la météorologie, qui l'a conduit à des expéditions polaires, expéditions qui lui ont d'ailleurs coûté la vie en 1930.
D'abord il a observé un revêtement blanchâtre à la base des "cheveux", puis il a émis l'hypothèse selon laquelle un mycélium, partie végétative d'un champignon, serait responsable du déclenchement du phénomène.
... et totalement élucidé en 2015
Dans les années 2010, un professeur suisse à la retraite, Gerhart Wagner, qui se passionnait depuis des décennies pour les cheveux de glace, a confirmé l'hypothèse : en traitant le bois avec un fongicide ou en le trempant dans l'eau chaude, la formation des filaments était ultérieurement bloquée.
Enfin, après collecte durant trois hivers entre 2012 et 2014 d'échantillons de bois mort portant des cheveux de glace, une équipe suisse allemande (voir Sources) a identifié le champignon responsable du phénomène et les mécanismes en jeu.
Enfin en 2015, les résultats de l'étude sont publiés dans la revue Géosciences. Onze espèces de champignons ont été recensés sur les échantillons de bois mort, or parmi ces spécimens, Exidiopsis effusa apparaît systématiquement.
En outre, les chercheurs ont poursuivi l'étude sur un nouvel échantillonage et mis en évidence de la lignine et des tanins. Le champignon produirait ces deux types de molécules, qui favoriseraient la pousse des cheveux mais aussi leur maintien pendant quelques heures.
Restait à élucider la forme des filaments : par un gel faible, c'est le double phénomène de la ségrégation de la glace et de la cryosuccion. La ségrégation de la glace se manifeste lorsque que l'eau située près de la surface du bois gèle. Il s'ensuit une cryosuccion, la glace aspirant davantage d'eau des pores du bois. La glace se cristallise ainsi à la base du cheveu, qui à partir de là continue de croître.
Et voici pourquoi...
le phénomène est si rare. Aujourd'hui 31 octobre 2024 les conditions météo étaient réunies :
- en Saône-et-loire, altitude 302 m,
- le bois mort est humide,
- l'air est idéalement humide,
- la température se situe entre -1 et 0°,
- il s'agit de chênes et de hêtres, riches en tanins (nous ne trouvons pas de cheveux dans le bois de sapins ni sous les bouleaux),
- les tempêtes de ces dernières années ont généré énormément de bois mort bois.
Malheureusement je n'avais sur moi que mon téléphone portable. La prochaine fois, par ce temps, je m'équiperai mieux.
Sources, informations complémentaires
Hofmann, D., Preuss, G. et Mätzler, C. : Preuves de la mise en forme biologique de la glace capillaire, Biogeosciences, 12, 4261-4273, https://doi.org/10.5194/bg-12-4261-2015, 2015.
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