Inviter l'orvet fragile
Anguis fragilis, l'orvet fragile, se réveille avec les beaux jours. Fragile, il l'est à plusieurs titres.
Un lézard sans pattes ?
Ce n'est pas un serpent. On a longtemps considéré l'orvet comme un lézard sans pattes, ou chez certaines espèces, avec des pattes résiduelles imperceptibles, décelables uniquement à la radiographie. Or son ADN révèle qu'il fait partie, avec les varans, des anguimorphes, plus proches, dans l'arbre phylogénétique, des serpents que des lézards.
On le reconnaît assez facilement à hauteur d'homme par ses reflets métalliques, argentés, cuivrés ou couleur bronze, ses écailles parfaitement lisses, sa queue au bout arrondi et aussi par le fait que le passage de la tête au cou n'est absolument pas marqué.
Pour une identification sûre à 100 %, on le distingue du serpent par deux critères infaillibles : en le regardant de très près, on constate que les écailles dorsales et ventrales sont identiques, contrairement aux serpents, et qu'il a des paupières mobiles, il peut donc fermer les yeux, ce qu'aucun serpent ne peut faire.
Quelques variations selon l'âge et le sexe :
- les mâles sont unis, avec parfois des écailles bleues,
- les femelles ont les flancs sombres et quelquefois une ligne vertébrale noire,
- les jeunes sont étonnamment dorés ou argentés, avec trois lignes sombres, deux larges sur les flancs et une fine sur la colonne vertébrale.
L'orvet ne dépasse pas 50 cm en général.
Pour l'observer de près, mieux vaut attendre la fin d'après-midi, à la fin d'une averse, sa météo préférée.
Au jardin, victime des tondeuses, des chats et des poules
Dans la nature, il a de nombreux prédateurs : les renards, les blaireaux, certaines couleuvres (les coronelles) et les rapaces diurnes.
Pour tromper ses prédateurs, l'orvet "fragile", ou "serpent de verre", a la faculté de laisser tomber un morceau de sa queue, comme les lézards : c'est la faculté d'autotomie. Toutefois sa queue se régénère moins bien que celle des lézards.
Mais au jardin, cette faculté ne lui sert pas beaucoup face aux tondeuses qui le cisaillent. La solution est de parcourir à pied la pelouse avant de la tondre, en commençant par le milieu, pour le faire fuir, et de conserver des bandes enherbées non tondues le long des clôtures, où il puisse se réfugier. Les chats aussi s'amusent à chasser les orvets, proie facile car ils ne se déplacent pas si vite que les serpents, et les poules s'en délectent.
Fragile aussi par la disparition de ses habitats
L'orvet habite de préférence les milieux humides sous couvert végétal, comme les forêts et les haies. Espèce semi-fouisseuse, qui peut s'enterrer l'hiver à plus d'un mètre de profondeur, l'orvet aime les sols meubles.
La fragmentation de ses habitats préférés et donc l'écrasement sur les routes, l'arrachage des haies, la disparition des friches, la surexploitation des forêts avec les coupes à blanc, les pesticides qui font disparaître les insectes dont ils se nourrit, mettent l'orvet en danger.
Les reliefs lui sont plus favorables que les plaines, intensément exploitées.
On peut l'aider en reconstituant au jardin des morceaux de son habitat disparu. Il apprécie par exemple le paillage qui imite le sol des sous-bois. Des haies, si possible en continuité avec les haies des voisins, des bosquets de cinq à dix arbres si on a un peu de place, ressemblent à son habitat naturel. Les zones humides peuvent être recréées sous des pierres plates, des tas de bois, des souches, des dalles.
Un auxiliaire du jardinier
Non content d'être totalement inoffensif, il travaille pour le jardinier. Certes, il mange des vers de terre, mais aussi des escargots et des limaces, diverses larves, des chenilles, des insectes, des mollusques, des crustacés comme les cloportes. Il fréquente le compost, qui est à la fois un milieu humide, facile à creuser pour hiberner et encore chaud l'hiver, et une source de nourriture permanente. C'est là que l'on a des chances d'observer une douzaine de petits orvets, mais pas de ponte, car ils naissent déjà éclos. En effet les jeunes se libèrent de la membrane de l'oeuf dès qu'il est expulsé : on qualifie souvent l'orvet d'ovovivipare, plus rarement de vivipare (l'INPN par exemple).
Sources, informations complémentaires
Sur la viviparité, la fiche de l'INPN (Inventaire national du patrimoine naturel)
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