Au jardin ou en balade, contribuer aux sciences participatives
Protéger la biodiversité exige de bien la connaître, et bien la connaître demande des millions d'observations sur le terrain. Or les scientifiques manquent de bras pour collecter ces masses d'informations. Même avec l'intelligence artificielle, capable d'analyser les enregistrements de pièges photographiques et de reconnaître les espèces filmées, on a besoin des êtres humains et de leurs yeux. De très nombreux programmes ont été mis en place, mais si l'envie d'y participer vous démange, comment trouver et choisir le vôtre ? Voici des pistes et des sources.
Pour les jardiniers, pour les marcheurs et pour les photographes
Tous les publics sont sollicités par ces opérations. On peut participer depuis son jardin, en comptant les oiseaux à la mangeoire ou les tritons dans sa mare. Si on n'a pas de jardin, des programmes sont réalisables en balade, comme le suivi des variations des arbres selon les saisons près de chez soi. D'autres sont réservés aux jardiniers professionnels, comme le Protocole papillons gestionnaires destiné aux gestionnaires de parcs ; il s'agit du suivi des papillons de jour dans les espaces verts pour mesurer l'évolution des populations et évaluer l'impact des pratiques de gestion. D'autres enfin exigent un peu de matériel et un peu d'expérience, comme le programme Spipoll, le suivi photographique des insectes pollinisateurs, fondé sur la macrophoto et l'identification des espèces.
Des programmes nationaux mais aussi régionaux
Des établissements publics ou des associations (l'Office Français de la Biodiversité, le Muséum d'histoire naturelle, la Ligue pour la protection des oiseaux...) organisent des programmes de sciences participatives de grande envergure au niveau national, mais si vous préférez des contacts humains plus chaleureux vous pouvez également trouver des actions régionales, comme l'Observatoire de la faune de Bourgogne, l'Observatoire de la biodiversité du Parc du Pilat dans le département de la Loire, le groupe associatif Estuaire en Vendée... Ce dernier développe un programme participatif sur l'Estuaire du Payré qui ne couvre que deux communes ! Il ne s'agit plus ici de communiquer uniquement avec un serveur informatique, mais de s'impliquer dans la vie associative locale et de se réapproprier son territoire. Plus la région étudiée est petite, plus les programmes peuvent être larges : au Payré, de l'arrivée de boulettes de pétrole, à l'observatoire des vers luisants et des bourdons, en passant par les insectes ravageurs, les plantes invasives et l'échouage d'animaux marins...
Pour trouver d'autres opportunités près de chez vous, consultez le Portail des sciences participatives animé par Sorbonne Université (voir Sources).
La faune mais aussi la flore
Si les animaux courent trop vite, observez la flore, qui d'ailleurs n'est pas si statique que ça. La progression des plantes envahissantes doit être surveillée de près, comme la jussie dans les rivières ou la renouée du Japon dans les jardins. L'évolution du climat aussi est un enjeu qui peut être analysé grâce à la flore.
En ville aussi, pour ceux qui n'ont pas envie de se déplacer, on peut participer à Sauvages de ma rue, avec Vigie-Nature, un observatoire participatif qui permet aux urbains de s'initier à la botanique en observant les pieds d'arbre, les trottoirs, les pelouses, les cours d'immeubles.
Des observations au coup-par-coup ou des protocoles dans la durée
Si vous n'aviez qu'une ou deux heures à consacrer à l'étude des populations d'oiseaux, la LPO et le Muséum national d'histoire naturelle organisent chaque année, le dernier week-end de janvier, Le comptage annuel des oiseaux des jardins. Nul besoin d'être spécialiste, des tableaux et fiches espèces permettent d'identifier d'un coup d'oeil les oiseaux familiers des jardins. Des fiches de saisie simplifient la transmission des observations.
A l'opposé le programme Phénoclim (voir ci-dessous "En montagne") demande un engagement dans la durée, faute de quoi il perdrait tout son sens.
Entre les deux, un programme comme ceux de l'Observatoire de la faune de Bourgogne vous permet de saisir vos observations à votre rythme, selon vos disponibilités. Et aussi selon votre niveau, puisque vous pouvez demander à un correspondant naturaliste d'identifier les espèces que vous photographiez avant de saisir vos observations sur le site. De fil en aiguille cela permet d'acquérir les bases nécessaires pour devenir autonome.
En montagne, dans les marais ou sur les littoraux
Il existe des programmes participatifs pour les milieux spécifiques.
Un exemple en montagne : le programme Phénoclim, piloté par CREA Mont-Blanc (Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude) pour toutes les zones de montagne de France, Vosges, Jura, Corse, Alpes, Pyrénées, Massif Central, vous invite à observer la faune et la flore. Phénoclim est à la croisée de la phénologie, c'est-à-dire l'étude des variations saisonnières de la nature, feuillaison, floraison, nichées, reproduction, etc., et de la climatologie. Il vise à comprendre l'influence du réchauffement climatique sur le monde vivant. Pour le suivi de la végétation, le premier programme qui a été mis en place, on vous demande de choisir trois arbres d'une même espèce parmi une liste de treize espèces et de le visiter chaque semaine au printemps et à l'automne et de saisir vos observations. Le protocole est assez rigoureux mais vous êtes assisté autant que nécessaire.
Cet organisme pilote aussi le programme Wild Mont-Blanc, spécifique comme son nom l'indique au massif du Mont-Blanc.
Un exemple pour les milieux humides : le programme Un dragon dans mon jardin, initié en 2014 par le CPIE de Gâtine poitevine, vise à mieux connaître les amphibiens dont le déclin est catastrophique. Deux méthodes sont proposées :
- l'une spontanée, consistant à envoyer simplement les photos des participants sur le site www.undragon.org, et c'est le spécialiste de la Société herpétologique de France qui se chargera de l'identification,
- l'autre plus scientifique, permettant aux habitants de devenir dragonniers scientifiques ; il est demandé aux participants, selon un protocole et un calendrier précis, un inventaire nocturne de leur mare dans la durée.
Un exemple sur le littoral : le programme Biolit, aussi bien en Mer du Nord, Manche, Atlantique qu'en Méditerranée, avec ses trois programmes Algues brunes et bigorneaux, pour comprendre un écosystème algues brunes/espèces animales menacé par la pollution, et la fréquentation du littoral, A vos observations, pour recenser les espèces animales et végétales des côtes, et Les saisons de la mer, pour suivre toute l'année le contenu de la laisse de mer.
Si vous ne trouvez pas votre bonheur dans cette nouvelle science foisonnante, écrivez-moi, je vous aiguillerai. Et sachez que tous les programmes participatifs mettent à votre disposition des outils pédagogiques, des vidéos pratiques, des fiches et des clés de détermination adaptées au niveau du public sollicité.
Sources, informations complémentaires
Les programmes de CREA Mont-Blanc
- Le programme national pour la montagne Phénoclim
- Le programme régional Wild Mont-Blanc
Le Réseau national des observatoires de la biodiversité (seul celui du Pilat est participatif)
Le comptage annuel des oiseaux co-administré par la LPO et le MNHN
Les programmes régionaux
- L'Observatoire de la faune de Bourgogne
- L'Observatoire de la biodiversité du Parc du Pilat
- Le Groupe associatif Estuaire en Vendée et son programme Sentinelles de l'estuaire
Les 8 observatoires de Vigie-Nature
Le portail des sciences participatives par Sorbonne Université
Le Réseau national des CPIE (Centres permanents d'initiatives pour l'environnement), réseau associatif et le programme "Un dragon dans mon jardin"
La chaîne Youtube de la Société herpétologique de France