Désherbage zéro-phyto à la Saline Royale d'Arc-et-Senans
Depuis la rédaction de cette chronique, la Saline Royale d'Arc-et-Senans en Franche-Comté a doublé son demi-cercle de jardins pour réaliser un cercle complet. C'est une ancienne manufacture destinée à la production de sel gemme, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, qui accueille chaque année un festival des jardins. Ces jardins sont créés par les écoles du paysage, qui avancent plus vite pour l'écologie que n'importe quel gouvernement. Avant une visite des nouveaux jardins, voici des solutions zéro-pesticide repérées dans l'ancienne configuration.
Les producteurs de produits phyto-sanitaires ne feront pas fortune ici : les 10 jardins sont dès leur conception très économes en désherbage. Bien plus, les "mauvaises herbes" y jouent un rôle très intéressant.
Le paillage
La permaculture nous enseigne pourquoi et comment ne laisser aucun sol nu. Car aucun sol nu n'existe dans la nature. Dans nos jardins, la moindre zone non cultivée ou le moindre interstice entre nos fleurs et légumes est immédiatement colonisé par l'herbe, battu par la pluie, desséché par le soleil et le vent. Le paillage, qui n'est pas forcément de la paille mais toute couverture de sol, empêche la germination et étouffe l'herbe, amortit la "battance" de la pluie et limite l'arrosage en retenant l'humidité. Les allées peuvent aussi être paillées. A la Saline, le paillage est majoritaire. Il alterne avec quelques dallages variés mais plus rares (schiste, granit…) ou des planches, et on a l'impression de se promener toute la journée sur un sol doux et élastique comme une moquette épaisse.
Le paillage végétal
"Tu pailles avec ce que tu as", nous disent les permaculteurs ou les praticiens de l'agro-écologie. Acheter du paillage qui a nécessité du transport, de l'emballage, l'appauvrissement d'une autre zone n'est pas une opération neutre. On peut utiliser une petite partie du jardin pour cultiver sa propre paille, broyer du bois blanc, récupérer de la sciure de bois, déchiqueter du bambou… plutôt que d'importer des coques de cacao. Les végétaux broyés enrichiront le sol en se décomposant, et les vers de terre feront leur travail de "digestion" du sol.
Le paillage minéral
Pouzzolane, ardoise pilée, gravier, pierre, pourvu que ce soit local, tout est bon. D'ailleurs certaines plantes qui aiment les terrains drainants, comme les iris, ne supportent que le paillage minéral.
Les matériaux géotextiles
Quel que soit le paillage, les vers de terre feront remonter la terre à la surface. Les belles allées "naturelles" reposent souvent sur un géotextile. Ce n'est pas la solution miracle, car ce feutre est soit un matériau naturel, donc biodégradable à long terme, soit artificiel, donc futur déchet. A utiliser avec parcimonie.
Un fin broyat végétal dans les aires de jeu, des déchets végétaux dans les légumes, de la sciure de bois dans les allées étroites, des planches pour les circulations.
Les bordures
L'herbe s'installe volontiers en marge des zones cultivées, où se mélangent la bonne terre et le gravier de l'allée. Et comme les oiseaux adorent éparpiller les paillages divers à la recherche d'insectes et de vers de terre, ils participent à ce joyeux mélange. La solution est une bordure suffisamment haute, dans le style du jardin : planches, bois debout, acier, pierre locale, plessis...
Pour les jardins contemporains et les plantes graphiques : bordures d'acier et contraste des paillages.
Pour un aspect plus naturel, des planches épaisses plantées verticalement, ici dans des cultures étagées.
Les plantes annuelles couvre-sol
Le gazon est le seul végétal couvre-sol qui supporte le piétinement. Dans les zones qui ne sont pas des circulations, d'autres plantes très décoratives peuvent créer une mer de verdure qui étouffe l'herbe : la sagine ou la bruyère à l'ombre, le thym et les autres aromatiques basses au soleil. A la Saline, la patate douce (Ipomea batatas) dans sa version dorée crée de magnifiques moutonnements acidulés, qui, en l'absence de pelouse, donnent l'impression de fraîcheur attendue dans un jardin… et elle se mange en fin de saison.
L'herbe comme élément du décor
La plupart des dix jardins créés cette année à la Saline utilisent des plantes très résistantes comme verveine de Buenos-Aires ou les cosmos qui, par leur caractère ébouriffé, tolèrent le mélange avec les plantes spontanées à condition de les aider un peu au début.
D'autres réservent de petites parcelles aux "mauvaises herbes", qui vibrent de moineaux voraces.
L'herbe ludique
Dans un jardin fortement structuré, comme cet amphithéâtre de verdure, de la pelouse un peu approximative ne choquera pas. Elle se transformera probablement en prairie naturelle.
Changer de regard sur le jardin ?
Le jardin classique, bien léché, à base de pelouses et de massifs ordonnés, est né à une époque où les propriétaires avaient du personnel, de l'eau et de la fraîcheur. Puis l'huile de coude a été remplacée par les désherbants et pesticides divers. L'eau est de plus en plus précieuse, les canicules de plus en plus fréquentes.
Tout jardinier qui règne sur quelques mètres carrés doit "faire sa part" puisque les gouvernants sont inopérants. Et si l'innovation reposait sur les jardins particuliers ?
Sources, informations complémentaires
Le site de la Saline Royale d'Arc-et-Senans
Voir aussi Liseron et chiendent, Mauvaise graine ?
A retrouver dans le livre Merveilleuse faune du jardin
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