Opération délicate : l'élagage de trognes abandonnées

Publié le par Marie-Claire RAVE

Deux belles trognes à Rigny-sur-Arroux en Saône-et-Loire


Ces vénérables saules têtards plus que centenaires risquaient d'éclater sous le poids de leurs branches. L'association Les Berges de l'Arroux, qui s'est fixé comme objectif la protection du patrimoine bâti et de la biodiversité, a organisé leur élagage par une équipe de professionnels expérimentés.

L'abandon des trognes
Pendant des siècles, la trogne, cette forme de conduite traditionnelle des arbres a nourri et chauffé les paysans et métayers de tout le pays. L'arbre têtard produisait du bois, du feuillage et des fruits facilement accessibles pour de multiples usages : construction, chauffage, fours à pain, fours à chaux, alimentation, fourrage... Avec l'avènement de la mécanisation et de l'énergie bon marché dans les années 1960, cet aspect a perdu de son intérêt. On a encore conservé pendant quelques décennies les essences adaptées au bois de chauffage (chêne, charmille par exemple), en laissant les saules têtards à l'abandon. De mémoire de Rignyssois, ces deux saules ont toujours été là, et ils n'ont pas été élagués depuis 1975, ce que confirment les cernes de croissance des plus grosses branches.

Pourquoi les élaguer ?
Sous le poids des branches, la plupart des saules têtards abandonnés éclatent en plusieurs morceaux ou se vrillent, ce qui déchire l'écorce. Or les arbres croissent par leur cambium, le tissu périphérique du tronc et des branches, situé sous l'écorce. Si le cambium est déchiré du haut en bas, l'arbre meurt.
Il arrive quelquefois que l'arbre puisse reprendre sa pousse, après l'éclatement, à partir d'un petit anneau d'écorce et de cambium préservé au bas du tronc. C'est probablement ce qui est arrivé à celui des deux saules qui est penché, une moitié privée de cambium étant morte, l'autre moitié étant repartie à partir d'une base résiduelle.
En revanche, l'arbre peut être complètement creux, vide ou rempli du terreau qu'il a lui-même produit, et vivre allègrement. Les branches également peuvent être creuses et se développer en périphérie.

Les risques de l'élagage
L'élagage n'est pas sans danger pour l'arbre. S'il a vécu trop longtemps sans être entretenu, il peut être fatal. C'est pourquoi cette opération a été menée sous la surveillance d'un ingénieur écologue, Alain Desbrosse. Définir la longueur des branches à préserver, garder ou non un tire-sève, ce rejet censé aider à la reprise de l'arbre, autant de décisions prises sur place en fonction de l'état de l'arbre révélé par les coupes successives.

Il nous rappelle à cette occasion que si l'arbre supporte l'opération, il a la capacité de cicatriser les plaies et qu'il est néfaste d'appliquer quoi que ce soit pour le protéger des agressions extérieures, ni mastic cicatrisant, ni goudron de Norvège, ni béton ! 
Le plus gros des deux saules mériterait, selon l'association, d'être classé comme arbre remarquable, et c'est précisément Alain Desbrosse, référent de l'association nationale A.R.B.R.E.S. qui est chargé de ce classement pour la Bourgogne. Affaire à suivre.

La technique
Le processus technique se déroule sous la direction de Thomas Diesny, formateur au lycée tout proche d'Etang-sur-Arroux. D'anciens élèves du lycée, devenus élagueurs professionnels, sont venus bénévolement pour réaliser une journée d'élagage.
La phase de préparation est minutieuse. Les élagueurs travaillent en rappel à la manière des alpinistes, en binôme, un élagueur au sol, l'autre dans l'arbre. Les branches dangereuses sont rabattues progressivement, par tronçons. 

La fréquence d'élagage est le fruit d'une expérience ancestrale, propre à chaque essence et à chaque fonction, osier pour la vannerie ou chêne pour la charpente n'ont rien à voir. Pour un saule, elle est traditionnellement de dix à quinze ans. Etant donné que l'arbre n'a pas été taillé depuis cinquante ans, les risques pour lui sont certes importants, mais pour les élagueurs aussi : la hauteur d'intervention rend l'opération particulièrement sportive.

Opération délicate : l'élagage de trognes abandonnées

Sources, informations complémentaires
Deux ouvrages d'Alain Desbrosse : Les Arbres remarquables de Bourgogne,
éditions L'Escargot savant, 2008 et 2013

 

 

 

A retrouver dans le livre Merveilleuse faune du jardin

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Publié dans Plantations

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