Ces belles envahisseuses qu'on adore dans nos jardins

Publié le par Marie-Claire RAVE

Berce du Caucase (2 mètres)


Apporter une touche d'exotisme au jardin ou cultiver des plantes géantes, c'est tentant. Ce n'est pas toujours une bonne idée ! Introduites par accident, elles sont devenues incontrôlables, ou importées pour un usage bien particulier, elles ont quelquefois dépassé nos espérances et se sont trop bien installées.

Mimosa à feuilles de saule

Les EEE, espèces exotiques envahissantes
Ce sont des espèces introduites volontairement ou accidentellement, qui mettent en danger la biodiversité. Les introductions volontaires étaient à l'origine justifiées par les qualités exceptionnelles de la plante pour l'usage prévu, sans que l'on soit conscient des conséquences sur les espèces locales : pour l'agriculture, l'élevage, pour leur valeur ornementale, etc. Le mimosa à feuilles de saule (Acacia saligna) par exemple, un arbuste australien à ne pas confondre avec notre mimosa des quatre saisons (Acacia retinodes) ni avec notre mimosa d'hiver (Acacia dealbata), a été importé pour ses qualités ornementales, pour le fourrage, la production de tanins, et surtout pour stabiliser les sols. Il s'est échappé dans le milieu naturel vers les années 2000 et devient actuellement envahissant dans le Var, les Alpes Maritimes et en Corse.
Les introductions accidentelles concernent les passagers clandestins du commerce international, plutôt des espèces animales, comme le frelon asiatique arrivé en France dans des lots de poteries chinoises, ou le ver plat dans des plants importés d'Amérique du Sud.
Car elles peuvent appartenir au règne végétal ou animal, être terrestres ou aquatiques. Pour nos plantations, intéressons-nous évidemment aux plantes terrestres.

Ailante glanduleux

Celles qui sont interdites par la loi
Elles figurent sur une liste européenne à laquelle chaque état membre peut ajouter sa propre liste. Ainsi la réglementation française définit 66 EEE (30 espèces animales et 36 espèces végétales) et prévoit deux niveaux d'interdiction selon leur dangerosité : interdiction totale d'introduction sur le territoire et interdiction d'introduction dans le milieu naturel. Rien ne définit légalement le milieu naturel, mais le jardin n'en fait pas partie.
Certaines ne sont pas encore entrées sur le territoire français, c'est parce qu'elles se sont révélées catastrophiques pour la biodiversité dans d'autres régions du monde qu'elles sont sur la liste noire.
D'autres sont restées discrètes pendant des années, des décennies ou des siècles avant que leur population n'explose. C'est le cas de la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) - Heracleum comme Héraclès, c'est dire sa puissance - importée dans les jardins botaniques au XIXe siècle pour son effet saisissant, échappée discrètement dans le milieu naturel en 1828, et devenue soudain envahissante vers 1960. Très prolifique, elle concurrence les espèces locales en les privant de lumière. Sans compter que sa sève très agressive provoque chez l'Homme de graves réactions allergiques, surtout lorsqu'elle est combinée avec l'exposition au soleil. L'ambroisie (Ambrosia artemisiifolia) est un autre exemple de plante devenue invasive et extrêmement allergène.
Certaines enfin sont encore très rares, voire présentes en un seul exemplaire, on sait où elles sont et on les surveille de près. Selon le Centre de ressources EEE, un exemplaire de l'arbre à suif importé de Martinique (Triadica sebifera) par exemple, existe dans le Grand Jardin de La Valette près de Toulon. Dangereux car il altère la qualité de l'eau et toxique pour les larves d'amphibiens, il est surveillé comme le lait sur le feu de peur qu'il ne répande ses graines dans la nature.

Balsamine de l'Himalaya

Enfin, certaines espèces sont présentes en masse et l'invasion est déjà bien réelle : j'ai rapporté de Grasse un petit plumeau inconnu qui poussait parmi des dizaines d'autres au bord du goudron de la route, pour voir... Après quelques années, il envahissait le jardin, ses drageons couraient autour de la maison et en chassaient les autres plantes. Plus je taillais, plus il drageonnait. J'ai alors identifié un ailante glanduleux, appelé aussi faux-vernis du Japon (Ailanthus altissima), importé comme arbre d'ornement. J'ai appris qu'il émettait un composé chimique, l'ailanthone, empêchant la croissance des végétaux voisins et qu'il tolère bien les polluants urbains, autant de qualités qui lui permettent d'envahir routes, villes et villages au détriment de la végétation indigène.
Une autre plante très prolifique, appréciée quand elle colonise spontanément les chemins et accès divers que l'on n'est pas pressé d'entretenir, la balsamine de l'Himalaya (Impatiens glandulifera), prive de lumière les plantes de faible hauteur et monopolise les pollinisateurs par son nectar très riche, au détriment des plantes locales.

Celles qui ne sont pas réglementées
La canne de Provence (Arundo donax) est un exemple de plante d'introduction très ancienne, probablement à l'époque romaine, autorisée à la vente, et perçue comme une plante locale. Et pourtant elle est considérée par l'UICN comme l'une des 100 plantes invasives les plus nuisibles au monde. Idéale pour réaliser des brise-vue très rapidement, elle menace la végétation locale en privant les autres plantes de lumière, en les étouffant et en accaparant le sol, et par conséquent chasse la faune inféodée à cette végétation.  
Plus anodin, le buddleïa (Buddleja davidii) est en vente en jardinerie, alors qu'il commence à remplacer les plantes rudérales indigènes, celles qui tolèrent bien les bords de routes, le ballast des voies ferrées et les friches. La filière horticole travaille sur des buddleïas stériles.

Pennisetum hérissé

Dans nos jardins, vigilance, mais pas de panique
Nos jardins sont remplis de plantes qui nous semblent bien anodines, comme l'herbe aux perruches, ou herbe à la ouate (Asclepias syriaca), qui produit des fruits en forme de perruche. Nos grands-mères en  rassemblaient quatre ou cinq au bord d'un verre où elles semblaient boire. Elle est pourtant sur la liste des plantes invasives.
Autre plante invasive, l'herbe aux écouvillons (Pennisetum setaceum), cette graminée géante que l'on voit trôner au milieu des pelouses, qui entre en concurrence avec les plantes locales et augmente les risques d'incendie. Une autre espèce du même genre botanique, le pennisetum hérissé (Pennisetum villosum), prend le même chemin, favorisé par le réchauffement climatique, mais il n'est pas encore réglementé.
Ces espèces ne s'échappent des jardins et ne deviennent invasives que si le sol leur plaît. Il suffit de les surveiller pour éviter qu'elles ne se dispersent et de ne pas chercher à les multiplier. Pour cibler les espèces réellement à éradiquer, le site Centre de ressources espèces exotiques envahissantes liste les études consacrées à chaque région.
Les plantes interdites d'introduction sur le territoire ne sont pas sur le marché, on ne risque pas de les acheter par erreur. Toutefois quelques petites bêtises bien tentantes sont à éviter. 
- Ne pas rapporter d'un voyage à l'étranger des plants, des boutures, des graines dans ses bagages.
- Ne pas prélever au bord des routes ou chez des voisins des plantes dont on ignore le caractère envahissant ou non.
- Eviter de se renseigner uniquement sur les catalogues ou dans les documentations commerciales en ligne, car il ne vous diront pas si une plante, bien qu'autorisée, a tendance à devenir envahissante ! Sélectionner des sources indépendantes du commerce (Voir Sources).
- Se méfier des espèces qui prennent beaucoup de place dans le voisinage, observer les jardins et les friches alentour.
Dans tous les cas, je conseille d'identifier la plante, en commençant par l'application Plantnet par exemple, et en affinant grâce à des documentations fiables. Cela permet de vérifier son statut sur le site du Centre de ressources EEE, en utilisant les documentations triées par région. En cas d'invasion naissante, consulter la partie des fiches consacrée aux méthodes d'éradication.

Sources, informations complémentaires
Le Centre de ressources Espèces exotiques envahissantes, un site animé et coordonné par l'Office français pour la biodiversité et le Comité français de l'UICN,
notamment la page permettant de cibler sa région (documentation parfois complexe)
Le Comité français de l'UICN, Union internationale pour la conservation de la nature
L'INPN, Inventaire national du patrimoine naturel

Publié dans Plantations

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C
Bonjour à vous, petit problème, impossible de vous laisser un message dans les dossiers précédents. Je fais une nouvelle tentative ce jour. Bonne journée
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