La phacélie aux mille vertus
C'est un savant coiffé-décoiffé. On la prendrait pour une fashionista écervelée, avec sa fleur très structurée en forme de crosse et ses étamines hérissées, et pourtant la phacélie à feuilles de tanaisie (Phacelia tanacetifolia) travaille à soigner le sol, nourrir les insectes et permettre la production de miel. Elle est multi-tâche en agriculture et au jardin.
Une plante mellifère
Elle est couverte d'abeilles en été. Sa fleur est parfumée et son nectar a une capacité notoire à attirer les divers pollinisateurs, dont les abeilles sauvages et domestiques. Elle les attire à tel point que les producteurs de fruits doivent organiser leurs semis de phacélie de façon à éviter qu'elle fleurisse en même temps que les arbres fruitiers, car les abeilles préfèreraient la phacélie et oublieraient d'aller polliniser les fleurs des arbres du verger.
Une des rares plantes mellifères au pollen bleu, et la seule probablement d'un pur bleu outremer, elle se fait encore remarquer par sa fantaisie.
Le miel produit est abondant, très foncé, est aussi très parfumé.
Pour alimenter les abeilles toute la saison, on peut étaler la floraison par semis successifs.
Un agent de lutte biologique
On l'utilise dans les vergers précisément pour sa capacité à attirer les hyménoptères, dont les trichogrammes, des micro-hyménoptères (moins d'un millimètre) parasitoïdes des oeufs de carpocapses, les vers des fruits, et la petite guêpe d'un millimètre Aphelinus mali qui parasite le puceron lanigère des pommiers. Ce n'est pourtant pas une plante locale. Elle est originaire du sud des Etats-Unis et du Nord du Mexique, puis s'est naturalisée dans toutes les régions tempérées, preuve que la circulation des plantes autour de la planète peut avoir des effets bénéfiques sur la régulation des ravageurs.
Un engrais vert
Les engrais verts interviennent dans le processus de rotation des cultures. Par leur enracinement profond, ils puisent les nutriments dans les profondeurs du sol et les restituent en surface, après enfouissement ou broyage, au profit de la culture qui suivra. Tout en remontant l'azote et en générant de l'humus, ils décompactent et ameublissent la terre, rendant inutile le bêchage. Contrairement à un engrais chimique qui nourrit la plante et appauvrit le sol, l'engrais vert enrichit le sol et le végétal.
La phacélie est le seul engrais vert de la famille des Boraginacées (classification de 2016), elle peut donc être suivie de toute culture de légumes. Pour la même raison elle peut être associée en rotation à tous les autres engrais verts, qui sont essentiellement des Fabacées, et à la moutarde blanche, qui est une Brassicacée. En sol lourd et argileux, on l'associe souvent à la moutarde blanche qui a des qualités complémentaires. Elle supporte aussi tout sol modérément sec, où on l'associe plutôt à la féverolle.
Elle est très prolifique et se ressème abondamment, si on ne souhaite pas que le jardin soit envahi, il vaut mieux couper les fleurs avant la montée à graines.
Un refuge à insectes auxiliaires
La plantation de phacélie en agriculture et dans les jardins, en attirant les insectes consommateurs de pucerons, comme les carabes et les syrphes, limite les invasions. On peut en semer non loin des plantes préférées des pucerons. Semée en automne, la phacélie fleurira dès le mois d'avril et protègera les végétaux précoces. Un second semis au printemps permettra une floraison en juillet-août.
Dans les massifs d'ornement, la plante est très décorative depuis le début de la floraison jusqu'à la fin. Lors de la fructification, l'axe des fleurs, d'abord en forme de crosse ou de queue de scorpion (scorpioïde pour les botanistes) s'allonge en courbes très originales et graphiques. Tant qu'elle est encore verte, elle reste très belle, mais lorsque la production des graines finit par donner à la plante un aspect brun peu esthétique, on peut couper les tiges.
Un anti-liseron et anti-chiendent naturel
A condition d'être cultivée sur une étendue suffisante, elle consomme tout l'azote disponible et concurrence le liseron et le chiendent qui prospèrent dans les sols riches en azote, et qu'elle finit par éliminer. Son enracinement profond facilite cette élimination.
Un paillage très local
Outre leur fonction de production d'humus et d'azote, laissées au sol sur leur parcelle de culture, les tiges coupées protègent le sol de la battance de la pluie et de l'érosion hivernale. On peut donc attendre le printemps pour l'enfouir. Dans cet esprit on peut s'en servir de paillage à la belle saison, quand les semis d'automne de phacélie ont terminé leur floraison, entre les plants de légumes (tomates, pommes de terre, courgettes, potirons...) et la laisser jusqu'au printemps suivant.
Pour bénéficier de ses usages multiples, plusieurs parcelles ou massifs peuvent être cultivés en parallèle, certains pour les fleurs, jusqu'à la récolte des graines une fois bien sèches, pour la saison suivante, d'autres pour fauchage avant mise à graine, certaines semées au printemps, d'autres à l'automne.