L'aleurode, la mouche blanche, connaissances ancestrales et recherches du XXIe siècle

Publié le par Marie-Claire RAVE


Tout est blanc chez cette petite mouche, qui vit en véritables nuées sur les cultures. Elle-même d’un blanc éclatant, elle recouvre ses œufs et ses larves d’une pruine également blanche. Elle est minuscule, d’un à 3 mm. Les ravages qu’elle provoque dans les serres et les jardins viennent de son incroyable capacité à pulluler. Non seulement elle suce la sève des plantes, mais elle est le vecteur de virus, et ses déjections constituent un miellat qui engendre la fumagine et rend certaines productions impropres à la consommation.

Les Aleurodes sont en fait une famille qui compte une soixantaine d’espèces en Europe. Certaines sont spécialisées dans une espèce de plantes, par exemple l’aleurode des Citrus, Dialeurodes citri et l’aleurode floconneux des Citrus, Aleurothrixus floccosus , comme leur nom l’indique, d’autres sont plus généralistes comme l’aleurode des serres, Trialeurodes vaporarium. Le résultat dans nos cultures est leur capacité à s’attaquer à de très nombreux fruits et légumes (tomates, concombres, haricots, fraisiers, agrumes, choux, pommes de terre…) et plantes d’ornement (azalées, hibiscus, fuchsias…).

Coccinelle à 7 points renonçant aux aleurodes

Les moyens de lutte traditionnels
Lors d’invasions modérées, on peut maintenir un seuil acceptable par divers moyens pragmatiques. Des plantes réputées répulsives peuvent être cultivées au milieu des légumes : tanaisie essentiellement, basilic, arnica, aneth, capucine. L’ortie peut être utilisée en purin et la tanaisie en infusion. Le savon noir agit sur les adultes, mais pas sur les œufs et larves, qui sont protégés par une pellicule cireuse.
Les filets à insectes sont utiles sur de petites surfaces.
L’aération des serres, surtout en période un peu fraîche et la pulvérisation d’eau peuvent contrarier les aleurodes (en revanche le mildiou et l’oïdium apprécient l’humidité).
En lutte biologique, le commerce propose tout un catalogue de parasites, tels les micro-guêpes qui pondent dans les larves, de prédateurs comme la coccinelle noire et la punaise verte, d’acariens ou de champignons. Quant aux autres coccinelles, elles sont bien présentes au milieu des colonies d'aleurodes, mais il n'est pas sûr qu'elles les consomment.

Les infestations massives
Mais en période chaude et sèche prolongée, rien ne marche. On peut avoir affaire à des millions d’œufs, et ceci sur l’ensemble de la serre et du jardin. Même en utilisant toutes les recettes préventives, purins, filets à insectes, bandes jaunes engluées, il suffit de quelques rescapés pour déclencher une pullulation que les cultures ne peuvent supporter.

Les découvertes récentes
Le secret de ce développement extraordinaire des aleurodes a peut-être été découvert. On sait depuis longtemps que les plantes réagissent aux attaques des herbivores et des bactéries par la synthèse de composés défensifs, notamment volatils émis dans l’environnement. Ces substances volatiles sont perçues par les plantes voisines, qui sont ainsi « amorcées » pour se défendre contre l’attaquant spécifiquement signalé.
Or des chercheurs ont étudié la communication entre des tomates attaquées en présence ou non d’aleurode. Le choix s’est porté sur l’aleurode du tabac, Bemisia tabaci, l’un des ravageurs les plus importants au monde, et la tomate, une de ses plantes préférées. Ils ont démontré que les aleurodes manipulaient la communication entre la tomate attaquée et ses voisines. Attaquée par une chenille, la tomate envoie le composé volatil qui normalement alerte d’une infestation par une bactérie, et inversement, attaquée par la bactérie, elle envoie le message signalant un insecte. Le message est erroné.
L’aleurode manipule donc la communication, parasite le message, si bien que la tomate ne se prépare pas à la défense contre le véritable agresseur. Par conséquent la plante est préparée pour être favorable à la progéniture de l’aleurode.
En rétablissant les défenses naturelles de la tomate, on supprimerait les pesticides pour les remplacer par un composé volatil sans effets secondaires. Reste à le mettre en œuvre.

Et si on enjambait la deuxième moitié du XXe siècle et la chimie massive et destructrice pour comprendre les interactions entre plantes et ravageurs, et en tirer des thérapies imitant la nature sans dommage ? Et confronter connaissances ancestrales et recherche en marche ?

D’autres insectes envahissants objets de recherches en vue d’éviter les pesticides : la processionnaire du pin, le frelon asiatique

Sources, informations complémentaires
Airborne host-plant manipulation by whiteflies via an inducible blant of plant volatiles, Pen-Jun Zhang, Jia-Ning Wei, 25 mars 2019, https://doi.org/10.1073/pnas.1818599116

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article