Carnet rose dans la mare
La mare est une extraordinaire nursery : nombre d'animaux qui sont terrestres dans leur stade adulte viennent s'y reproduire, tandis que leur larve a un mode de vie totalement aquatique. C'est le cas des amphibiens et des libellules, et la fin du printemps est la période la plus riche en métamorphoses.
Les tritons encore sous forme de larves
Ce petit monstre de 3 centimètres est une larve de triton. La curieuse crinière qui entoure sa tête est une couronne de branchies externes, qui disparaîtront à l'âge adulte.
Dès le mois de février, lorsque les tritons adultes jusque là terrestres deviennent aquatiques, on peut observer dans la mare leur ballet de séduction. Les femelles pondent leurs oeufs un à un sous l'eau dans la végétation. Elles replient soigneusement les feuilles pour former un fourreau protecteur. A la naissance, les larves n'ont ni pattes ni nageoires, elles apparaissent au fil de la croissance. On peut observer cette croissance dès février et jusqu'en septembre.
Pour les observer, aménager une petite partie de la mare avec un peu de sable de façon à obtenir un fond clair. Les larves restent immobiles dans la vase ou dans la végétation aquatique, dans les parties peu profondes et ensoleillées de la mare. Elles attendent que quelque minuscule larve aquatique passe par là. Vous pourrez alors les voir bondir sur leur proie.
Les têtards, larves de grenouilles
Qui n'a pas observé l'évolution d'un têtard dans un bocal au fond de la classe ?
Les étapes de sa croissance sont plus nombreuses que celles du triton : juste après l'éclosion, il a des branchies externes puis, première étape supplémentaire, il les perd. En fait elles sont recouvertes puis absorbées, avant l'apparition des pattes postérieures puis antérieures. Enfin, seconde étape supplémentaire, la queue de la jeune grenouille est presque totalement absorbée.
Cette métamorphose dure environ trois mois.
Pour les observer, il suffit de chercher une partie de la mare peu profonde et ensoleillée. Et s'ils sont verts, il s'agit des têtards de la rainette arboricole, Hyla arborea, (ou de la rainette méridionale, Hyla meridionalis, dans le sud de la France). Les poumons se développent tôt, et sont utilisés comme organe respiratoire accessoire, ainsi on peut voir les têtards remonter à la surface pour respirer.
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L'émergence des libellules
La libellule pond dans la végétation d'une zone humide, puis sa larve se développe dans l'eau par une succession de mues. Elle sort de l'eau pour sa dernière mue, la mue imaginale, celle qui lui donnera son apparence adulte, avec ses fines ailes translucides.
Une semaine avant son émergence, la larve cesse de se nourrir et fait plusieurs incursions sur terre tandis que commence une métamorphose qui la prépare à la vie terrestre. L'émergence doit avoir lieu la nuit car la libellule est très vulnérable pendant cette transformation. Aucune possibilité de fuite ! Quand les conditions météo lui conviennent, elle sort définitivement de l'eau et s'accroche à un support, et la libellule adulte émerge de la larve. D'abord le haut du dos se fend, puis le corps commence à s’extraire, puis les ailes froissées se gorgent peu à peu d'hémolymphe, le sang d'insecte, et enfin la libellule se trouve nez-à-nez avec son exuvie (son ancienne enveloppe). Elle laisse durcir ses ailes pendant quelques heures et s'en va découvrir le monde.
Pour observer une émergence : choisir un soir doux et sans vent. Vers 20 heures, la larve s'accroche à son support et une transformation invisible commence, puis vers 22 heures la partie visible de la mue se déclenche. Elle dure environ vingt à trente minutes.
Mais les dytiques sont à l'affût !
Les dytiques, "les dents de la mare", ont aussi une larve aquatique, "le tigre d'eau", c'est dire leur appétit féroce !
Celui-ci, le dytique bordé (Dysticus marginalis), mesure 3,5 cm, taille qui lui permet de s'attaquer aux têtards et tritons. Il est aquatique, et comme beaucoup d'insectes aquatiques, il a besoin de venir respirer en surface. Il est aussi apte au vol, ce qui lui permet de chercher des sites appropriés en cas de problème. Sa larve mesure 6 cm dans on dernier stade. On la reconnaît de loin à sa position caractéristique, pliée à angle droit (photo ci-dessous) comme suspendue par la queue à la surface de l'eau, ou avançant en "pédalant" souplement.
Pour en savoir plus, je vous conseille les fiches très détaillées du site insectes.net et une vidéo sur la larve et sa façon de vider ses proies de leur substance en ne laissant que l'enveloppe (explication à 4'37").
La larve de dytique boulottant un têtard et la face ventrale d'un dytique adulte avec ses armes redoutables
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