Inviter le triton alpestre
… et ses cousins les tritons palmé, ponctué, marbré, crêté… j'ai choisi le triton alpestre car il est le plus photogénique !
Comme la salamandre, ce sont des amphibiens appartenant à l'ordre des urodèles, à la fois terrestres et aquatiques. C'est au mois d'avril qu'on les observe dans les mares, puisqu'en période de reproduction ils entrent dans leur phase aquatique. Cette période s'étale de janvier à juin, avec un pic d'activité précisément en avril. Le reste du temps, en phase terrestre, ils sont très difficiles à voir car ils vivent la nuit et passent une partie de leur temps en hibernation.
Cette double phase complique en outre leur identification car certaines espèces changent de couleur ou d'éléments distinctifs selon qu'ils vivent sur terre ou dans l'eau, et donc selon qu'ils sont en période de reproduction ou non. Ternes, voire terreux au sol, pour des raisons de camouflage, les mâles prennent dans l'eau des couleurs vives pour leur parade amoureuse.
Pour l'inviter,
il vous faut le matériel suivant :
- une mare proche d'une zone de végétation riche,
- des souches ou des tas de bois ou de pierres dans les parages,
- de la végétation aquatique comportant des feuilles souples.
En effet les tritons viennent se reproduire dans l'eau, et les femelles pondent leurs œufs un à un dans des feuilles qu'elles replient soigneusement et qu'elles collent comme une enveloppe ou un fourreau.
Même si vous n'avez pas de bois ou de bosquets à proximité, vous aurez peut-être la chance, un soir avec une lampe de poche, de voir des tritons car ils parcourent un grand territoire à la recherche de points d'eau. Et même si vous n'avez pas de mare, une flaque stable pendant tout le printemps pourra accueillir une ponte. Bien sûr, ils seront moins faciles à observer.
Surtout pas de poissons ni de canards ! Mais des grenouilles, oui, qui nourrissent les tritons de leurs paquets d'oeufs gluants, puis de leurs têtards.
Et surtout, PAS DE PESTICIDES ! Le déclin des tritons et des autres amphibiens sur toute la planète est spectaculaire depuis plusieurs décennies en raison de la pollution, et aussi la diffusion de mycoses, phénomène nouveau en cours d'étude. En effet, ils ont besoin d'une eau chimiquement non-polluée pour leur reproduction et le maintien en bonne santé de leur peau perméable. Avoir des tritons dans sa mare est un signe de bonne santé écologique du lieu. En Europe, la disparition des points d'eau pour laisser place à l'agriculture, par drainage, comblement ou abandon, est aussi une cause importante de leur déclin.
La liste rouge de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) indique en 2019 que 40 % des 8 100 espèces d'amphibiens répertoriées sont en voie d'extinction.
Les quatre espèces de tritons de ma mare
Le triton alpestre (Ichthyosaura alpestris)
Mon préféré ! Il est tout petit (8 cm), mais très coloré, bleu, orange et blanc, constellé de petites taches noires régulières comme des confettis, ce que la photo ne révèle pas vraiment. Une fine crête tachetée complète le costume. Voir les séquences en fin d'article. La femelle est plus terne, et beaucoup plus grosse que le mâle (11 cm).
Il est d'une vivacité étonnante et très drôle à observer.
Il peut vivre jusqu'à 3000 m d'altitude, d'où son nom.
Le triton marbré (Triturus marmoratus)
C'est un grand triton (jusqu'à 18 cm). Vous reconnaîtrez un triton marbré femelle à sa couleur verte tachée de noir, vert olive si vous la rencontrez en phase terrestre, plutôt verdâtre en phase aquatique, et la ligne orange sur sa colonne vertébrale. Les juvéniles présentent également cette ligne orange. Les mâles ont à la place une crête rayée verticalement.
Sa silhouette et la répartition des taches rappellent la salamandre.
Le triton crêté (Triturus cristatus)
C'est le plus grand des tritons de nos régions (jusqu'à 15 cm pour les mâles et 18 cm pour les femelles).
Celui-ci, bien vivant, a été pris dans l'épuisette au moment de l'élimination d'un peu de lentilles d'eau, et remis à l'eau immédiatement. L'absence de crête indique que c'est une femelle. En revanche le mâle se pare en période de reproduction d'une impressionnante crête qui lui donne un aspect de bestiole préhistorique. Le ventre orange tacheté de noir est caractéristique de l'espèce. Je suis ravie d'avoir pu inviter ce triton chez moi, car selon Bourgogne-Franche Comté Nature, "assez rare à l'échelle de la région, cette espèce classée « d'intérêt communautaire » à l'échelle européenne (annexes II et IV de la Directive Habitats-Faune-Flore) pourrait être l'emblème de la Bourgogne parmi les Amphibiens, puisque ses populations y sont encore remarquables dans ses principaux secteurs bocagers du Bazois, de Puisaye, de l'Auxois, de Terre Plaine, du Bas-Morvan oriental et du Pays d'Arnay, ou encore de la Bresse et du Brionnais. Des milliers de points d'eau, quasiment exclusivement des mares, y sont encore occupés au printemps, dont certains forment des réseaux très conséquents permettant des échanges d'individus et le maintien à long terme de l'espèce. En dehors de ces régions naturelles, il est le plus souvent très rare et isolé, voire absent."
Le triton palmé (Lissotriton helveticus)
Il est petit (9 cm). Le mâle est facile à identifier car en période de reproduction ses orteils postérieurs deviennent palmés (photo) et sa queue se pare d'un flagelle, un fin filament. Son ventre est jaunâtre. La femelle est uniformément jaunâtre ou verdâtre.
Il préfère les eaux peu profondes, il vit donc plutôt sur le pourtour de la mare, où la femelle cherche à pondre.
Il manque dans ma mare le triton ponctué, que l'on trouve ailleurs en Bourgogne. Rendez-vous l'année prochaine pour savoir si j'ai réussi à l'inviter.
Pour l'observer, l'identifier ou le photographier
On peut passer cent fois au bord d'une mare sans voir les tritons qui l'habitent car ils sont souvent au fond, et leur dos est particulièrement adapté au camouflage. Pour les observer, ce qui est facile au moment du pic d'activité reproductrice en avril, je vous conseille de rester immobile un bon moment et d'attendre qu'ils viennent respirer en surface. Vous pouvez alors voir leur ventre, qui est souvent caractéristique de chaque espèce.
D'abord, le triton reste immobile entre deux eaux, à 20 cm sous la surface, orienté à 45°. Il analyse la situation, et, si rien ne l'inquiète, il fait une percée éclair à la surface et gobe une bouffée d'air, en laissant l'espace d'un instant une bulle à la surface. Exemples (on ne s'en lasse pas) :
Un triton alpestre remontant à la surface pour prendre un bol d'air
Et encore des ronds dans l'eau...
Sources, informations complémentaires
L'Atlas des amphibiens de Bourgogne, hors-série n° 11 de la revue Bourgogne Nature, coordonné par Nicolas Varanguin de la Société d'histoire naturelle d'Autun et Daniel Sirugue du Parc régional naturel du Morvan
et la version internet des fiches sur les tritons de Bourgogne (utiliser la fonction recherche)
Sur son statut de conservation : La Liste rouge mondiale des espèces menacées, et l'annexe III de la convention de Berne.
Un documentaire Aster-Canal+, Le triton et la salamandre
Retour à Une mare pour la faune
Retour à Inviter la faune au jardin