Inviter le rougequeue noir

Publié le par Marie-Claire RAVE


Le rougequeue noir (Phoenicurus ochruros), ou queue-rousse, ou rossignol des murailles, adore les bâtiments, le mobilier de jardin, les véhicules et les compteurs électriques. Les bancs et les chaises lui permettent d'observer ce qui se passe dans les pelouses et de repérer ses proies juste à la bonne hauteur, les dépendances contenant une accumulation d'objets de toute forme lui permettent de nicher dans l'environnement humain, juste à la bonne distance. Ce qui n'est pas toujours une bonne idée.

rougequeue noir juvénile oisillon

Un oiseau facile à observer
Le rougequeue ne cherche pas à se cacher. A peine sortis du nid, les petits attendent la becquée au milieu des chemins ou de la pelouse. On peut suivre leur croissance depuis les fenêtres de la maison, surtout si l'on dispose à proximité une table et des chaises qui leur serviront de poste d'observation, à condition de les protéger des chats. Des pots de fleurs sur une terrasse, bien garnis d'insectes à disposition, sont également un bon moyen de les voir grandir. Les adultes fréquentent aussi les abords de la maison.

Une espèce adaptée à l'habitat humain
Selon l'INPN (Inventaire national du patrimoine naturel), "ce petit passereau était à l'origine inféodé aux habitats naturels de rochers, falaises et éboulis, en particulier en montagne. Il a su s'adapter à des habitats artificiels tels que les carrières et les constructions humaines, d'où à l'heure actuelle une vaste distribution en plaine également y compris dans les grands centres urbains." 
La nidification se déroule de fin mars à juillet. Deux ou trois nichées peuvent se succéder dans la saison. Dans leur habitat naturel, les rougequeues noirs construisent leur nid dans un trou de rochers, de préférence avec une ouverture assez large. Dans l'environnement humain, ils recherchent des cavités équivalentes : dépendances ouvertes, balcons, véhicules inutilisés l'hiver, étagères de débarras, coffres de stores extérieurs... La cavité choisie est ensuite tapissée de végétaux, la finition étant assurée par des plumes et poils divers.
Les oeufs sont couvés environ deux semaines, et les oisillons sont nourris au nid pendant deux à trois semaines, information importante si l'on doit déplacer un nid situé dans un endroit dangereux.

Rougequeue noir mâle

Une espèce migratrice partielle
Une grande partie des populations nichant en France migre en octobre vers l'Espagne et l'Afrique du Nord, tandis que certains individus hivernent en France. Enfin d'autres nichant en Europe du Nord viennent hiverner chez nous. Dans l'autre sens, la migration de printemps a lieu de fin février à avril.  C'est pourquoi le lieu qu'ils ont choisi pour nicher doit rester impérativement accessible en permanence pendant la nidification, et de préférence aussi le reste de l'année comme abri hivernal. Une ouverture de 15 cm suffit.

Un insectivore qui apprécie les pelouses et prairies fleuries
Le rougequeue noir se nourrit d'insectes et de petits invertébrés, et complète son alimentation en automne par des fruits et des baies. Un gazon émaillé de fleurs locales lui permet de disposer d'insectes toute la saison. Il préfère les sols peu végétalisés, car il se nourrit plutôt au sol et consomme peu d'insectes volants. Il est apte au vol stationnaire pour cueillir des baies sur les arbustes et saisir des insectes posés sur les murs.

En résumé, pour inviter les rougequeues, il vous faut :
- un carré de prairie fleurie tondue,
- une haie ou un bosquet de petits fruits (voir Une haie pour les oiseaux),
- un abri avec une ouverture permanente,
- une caissette ou une étagère laissées vides par exemple, à 15-20 cm du plafond,
- de nombreux perchoirs tels que des bancs, des piquets ou des grilles.

Cinq oisillons rougequeues sont nés sur le tableau électrique de la piscine

Déplacer un nid de passereaux des jardins occupé

Les oeufs et les oisillons sont extrêmement fragiles. La meilleure solution est d'attendre l'envol des petits, ce qui ne dure pas plus de quatre à cinq semaines. Toutefois, si cela n'a pas été anticipé et s'il est impossible ou dangereux pour eux de les laisser en place, quelques conseils.
1. Il faut savoir qu'en France les espèces sauvages sont protégées* : "Sont interdits [...] l'enlèvement des oeufs et des nids, [...] la capture ou l'enlèvement des oiseaux dans le milieu naturel, la perturbation intentionnelle des oiseaux, notamment pendant la période de reproduction et de dépendance". Toutefois, lorsque la destruction n'est pas intentionnelle et lorsque l'oiseau peut facilement trouver un autre site de reproduction, il existe une certaine tolérance. Pour être parfaitement sécurisé, contactez L'Office français de la biodiversité.
* Arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection, article 3.
2. Préparer d'abord l'accueil. Pour les espèces cavernicoles, comme les mésanges, utiliser un nichoir du commerce ou une boîte en bois percée d'un trou adapté. Pour les espèces semi-cavernicoles comme les troglodytes ou les rouges-gorges, imiter le plus possible l'ancien emplacement, sinon une caissette à fruits ou légumes avec l'ancienne garniture (brindilles, plumes) convient généralement. Pour les espèces qui nichent dans les arbres, un support en forme de coupe garni de paille ou d'un chiffon propre, solidement fixé dans un emplacement similaire à l'ancien, peut faire l'affaire.
3. Déplacer les oeufs ou les oisillons avec d'infinies précautions, en conservant le nid si possible. Les risques sont nombreux : casse des oeufs, refroidissement, blessures... Utiliser des gants pour ne pas laisser votre odeur (qui peut attirer les prédateurs) et pour vous protéger des micro-organismes parasites ou pathogènes, et une serviette pour les tenir au chaud.
4. Veiller à ce que les parents retrouvent facilement leurs petits.
Il faut agir en plein jour, et limiter la distance de déplacement (20 m au maximum), de façon à ce que les adultes voient le nouveau site. On peut procéder en deux étapes si l'endroit est compliqué (hangar par exemple). Pour savoir si les parents ont accepté le nouveau nid, attendre, caché ou à distance, qu'ils reviennent et continuent à couver ou à nourrir les oisillons. Cela peut mettre une demi-heure à une heure pour les petites espèces comme les rougequeues, et plusieurs heures pour les grandes espèces comme les pigeons. Ils peuvent tourner autour avant de se décider. S'ils ne reviennent pas, il faudra revenir à l'ancien emplacement, après réparation si nécessaire.
Astuce : ne nourrissez pas les oisillons, ainsi en appelant les parents ils faciliteront le repérage du nouveau nid.
5. Empêcher une nouvelle nidification sur l'ancien emplacement en plaçant des obstacles ou des objets effaroucheurs, comme les CD. Nettoyer les restes de nid.

rougequeue noir femelle
Bain de soleil d'un rougequeue femelle

 

 

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C
Bonjour, Très bel article comme d'habitude. Je vous partage une de mes marottes concernant les nichées. Je récupère le poil de mes chats pendant tout l’hiver et j’en fais des petites boules souples que j’accroche au début du printemps avec des pinces à linge. Il ne se passe pas une heure avant qu’elles soient repérées et nombre de petits oiseaux viennent faire leur marché pour avoir un nid douillet pour leurs petits. C’est le minimum que peuvent faire les chats ! J’ai plusieurs vidéos à votre disposition si cela vous intéresse. Belle journée à vous
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M
Désolée, mon logiciel ne me permet pas de repérer votre adresse mail.
M
Merci, je suis preneur (preneuse ?) de vidéos. Je vous envoie mon adresse par mail. Amicalement.