La coccinelle asiatique

Publié le par Marie-Claire RAVE

La coccinelle asiatique

Fin octobre, novembre. On ne peut plus entrer dans les dépendances sans écraser des clusters de coccinelles. Et visiblement il ne s'agit pas de nos bêtes à bon Dieu habituelles. Que se passe-t-il ?

Un auxiliaire du jardinier
Les coccinelles sont le moyen de lutte biologique le plus connu, mais aussi le symbole d'une lutte biologique mal maîtrisée. Au départ, un constat : les coccinelles se nourrissent principalement de pucerons, et accessoirement de cochenilles, d'aleurodes et d'acariens, ce que les jardiniers apprécient particulièrement. En cas de disette, elles complètent leur alimentation avec du pollen, et, en allant de fleur en fleur, elles contribuent également à la pollinisation. Aussi, afin d'adapter cette lutte biologique aux cultures industrielles, dans les années 80, on a élevé les coccinelles dans des fermes à insectes pour fournir les professionnels, et aussi pour les vendre dans les jardineries sous forme de larves.

Mais pourquoi importer des coccinelles de Chine ?
La lutte biologique sur de grandes surfaces exige des quantités impressionnantes de coccinelles. Or les coccinelles asiatiques sont plus voraces, plus résistantes, et leur reproduction est plus rapide. Leur élevage industriel est donc plus facile.
Comme chaque fois que l'on introduit une nouvelle espèce, on introduit également un déséquilibre. Les coccinelles asiatiques, par ces mêmes qualités, se sont implantées au détriment des coccinelles européennes. Sans compter qu'elles consomment les larves de "nos" coccinelles.

Distinguer les plus courantes

Coccinella septempunctata

Il existe deux espèces communes de coccinelles rouges européennes :
- Coccinella septempunctata, la coccinelle à sept points, avec une robe d'abord orange quand elle est jeune puis rouge, à trois points de chaque côté des élytres et un point central à cheval sur les deux élytres, qui vit plutôt dans le bas des arbustes ;
- Adalia bipunctata, la coccinelle à deux points, rouge avec deux points noirs ou noire avec deux points rouges, qui fréquente plutôt le haut des arbustes.
Toutes deux ont les pattes noires.

Harmonia axyridis

La coccinelle asiatique, Harmonia axyridis, a des pattes orange ou marron, et présente une grande variété de robes, au nombre de points très variable. Très souvent le pronotum (la partie qui évoque un bouclier et qui se trouve juste derrière a tête) porte un dessin en forme de M (vu de dos) ou de W (vu de face) ou en "patte de chat", ou encore un trapèze noir bordé de deux bandes blanches. Si on les observe sans loupe, certaines peuvent être confondues avec la coccinelle à sept points.

Pronotum de la coccinelle asiatique : "patte de chat", W ou petit ou grand trapèze noir bordé de blanc.

C'est surtout leur comportement en automne qui distingue les asiatiques des indigènes à coup sûr : les coccinelles indigènes trouvent individuellement leur abri pour hiverner dans le paillage du jardin, dans des copeaux de bois, des débris végétaux, sous l'écorce d'un arbre, alors que les asiatiques se regroupent en paquets de plusieurs dizaines, voire de quelques centaines, à la recherche de la chaleur près des maisons.

Et il y en a bien d'autres
Ce descriptif rapide n'est qu'un aperçu de cette grande famille. Parmi les autochtones, il existe les jaunes à 22 points, les noires ou rouges à 10 points, les jaunes à damier à 16 points, les orange à 14 points blancs, etc. Parmi les asiatiques, il existe une immense variété de robes, rouges, noires, jaunes ou orange, claires ou foncées, de zéro à 20 points. Les risques de confusion sont importants. Un groupe de naturaliste des Hauts de France (voir Sources) a mis au point, grâce à une enquête participative, une clé d'identification des coccinelles répertoriées dans la région. Elle donne une idée de la variabilité des apparences des coccinelles indigènes et asiatiques et de la rigueur nécessaire pour les identifier.

Les détruire ou les conserver ?
Voici un récapitulatif de leur action.

Positive (en faveur de la conservation) Négative (en faveur de la destruction)
Elles sont très efficaces pour réguler les pucerons, elles en consomment une centaine par jour Elles sont invasives : elles entrent en compétition avec les coccinelles européennes pour l'espace et la nourriture
Elles consomment également des cochenilles, des aleurodes et des acariens Elles sont cannibales : elles consomment des larves de coccinelles européennes
Elles constitueraient une source de nourriture pour divers insectes et animaux (rongeurs par exemple) Elles colonisent les habitations l'hiver
...  tout en étant inoffensives pour l'Homme Elles émettent lorsqu'on les dérange un liquide orange et malodorant


Alors que faire ?
Rien. 
Le mal est fait, les coccinelles asiatiques sont bien implantées au détriment de nos espèces locales. La vitesse de reproduction rend  la destruction inopérante à l'échelle d'un particulier, et les autres arguments pour justifier leur élimination au jardin sont bien faibles.
Ou alors, si elles sont vraiment gênantes, on peut les cantonner dans des abris à leur mesure, plus intéressants pour elles que nos fenêtres ou nos seuils de maison. Pour qu'elles les colonisent, ces abris doivent être très proches de leur lieu de rassemblement spontané, car elles ont tendance à y revenir lorsqu'on les chasse.
Voici un exemple.

La coccinelle asiatiqueLa coccinelle asiatiqueLa coccinelle asiatique

Je dispose d'un stock de tuiles plates assez sombres, capables d'accumuler un peu de chaleur. Du fait de leur forme irrégulière, une fois entassées elles ménagent des interstices de 5 mm environ. Avec des matériaux plus réguliers (planches, tuiles mécaniques, ardoises...), il faudrait les espacer de 5 mm avec des petites branches, de l'osier ou du bambou par exemple. Je laisse chauffer les tuiles au soleil avant de transférer délicatement les coccinelles dans une enveloppe et de la déposer sur le nouvel abri. Ensuite je les laisse explorer et s'installer. Pour des grappes importantes une pelle et une balayette peuvent faire gagner du temps.

Sources, informations complémentaires
Une clé d'identification très complète des coccinelles du Nord-Pas-de-Calais* (92 pages) par un groupe de naturalistes, qui signale pour chaque sous-espèce s'il s'agit d'une coccinelle asiatique
* elle date de 2014
Pour les différents stades (oeufs, larves, nymphe) la page Coccinelle d'insectes.net


A retrouver dans le livre Merveilleuse du jardin

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